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Le troisième jour après la bataille, les Suisses, suivant leur habitude, se rangèrent sur le champ de bataille, se mirent à genoux et adressèrent une prière à Dieu. Puis ils formèrent le cercle, et les officiers survivans nommèrent Ludwig Pfyffer colonel du régiment.

Après la bataille de Dreux, Coligny avait pris la direction d’Orléans, sans être poursuivi. Le duc de Guise ne bougea pas avant le 26 décembre ; il était le 9 janvier près de Beaugency, où il laissa les Suisses, qui y demeurèrent jusqu’au 3 février. Mais Orléans ne put être investi avant que Coligny, laissant d’Andelot dans les murs de la ville, eût avec quatre mille cavaliers, pu se rendre à marches forcées en Normandie et s’unir aux Anglais, qui lui apportaient au Havre de l’argent, des troupes et des munitions. Le duc de Guise garda les Suisses auprès de lui pendant le siège d’Orléans. On a sur ce siège non-seulement les rapports de Pfyffer, mais les dépêches de Petermann de Cléry, qui, avec le bourgmestre de Fribourg, Jacob de Praroman, était venu en France pour se rendre compte des pertes subies par le régiment suisse à Dreux et pour régler avec la cour de France les questions relatives aux arriérés de solde et à la solde de bataille, questions qui n’étaient jamais résolues à la satisfaction des cantons. Cléry se rendit devant Orléans, il trouva le régiment suisse fort diminué ; la cour demandait des renforts avec insistance, car elle s’effrayait des nouvelles qu’elle recevait de Coligny et des Anglais, et le duc de Guise écrivit lui-même aux cantons catholiques. On sait comment il tomba, le 18 février, sous la balle de Poltrot de Méré. Dans une lettre écrite le 2S février (conservée aux archives de Fribourg), Cléry accuse les prédicans huguenots d’avoir été les instigateurs du meurtre. Trois jours avant de mourir, le duc de Guise prit congé des commandans suisses et serra encore une fois leur main. Il était l’idole des cantons catholiques ; lui mort, la guerre était presque terminée, et l’on ne chercha plus que les moyens de négocier. Condé, raconte Cléry, avait trois fois tenté de s’échapper de sa prison, et on avait dû lui donner des gardes suisses, en qui l’on avait pleine confiance.

Dans les événemens qui suivirent, le rôle des Suisses fut assez effacé : protestans et catholiques firent ensemble le siège du Havre : les cantons envoyèrent à Pfyffer des ordres répétés pour lui enjoindre de ne point permettre à ses troupes de servir sur mer ; les Suisses ne prirent part à aucun engagement pendant le siège et perdirent seulement quelques hommes par les maladies. Le siège fini, on renvoya beaucoup de monde, et le 22 octobre, le roi licencia la plupart des enseignes suisses. Il ne garda que deux mille