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Pendant la durée de cet assaut, le roi, la reine et le connétable se tenaient près d’eux. Fröhlich raconte qu’après deux heures d’efforts, les assiégeans n’avaient pas encore fait grands progrès. Il était convenu qu’un trompette donnerait le signal de l’effort suprême. Mais un trompette de la ville vint sur les remparts en parlementaire pour essayer des pourparlers entre les assiégeans et la ville. Les soldats royaux prirent le son de la trompette pour le signal de la grande attaque. Ils se jetèrent sur les remparts, entrèrent dans la ville et la mirent au pillage pendant vingt-quatre heures. C’était le désir de la reine de l’épargner, elle voulait même, suivant Fröhlich, lui accorder une chapelle protestante.

Les Suisses aidèrent, après la prise de Rouen, à la réduction de Dieppe, de Honfleur et de Harfleur, qui se fit sans la moindre difficulté. Le Havre seul restait aux mains des Anglais. Pendant la durée de cette campagne, Fröhlich réclamait toujours le complément de son régiment ; on finit par le lui envoyer, et ce complément de huit enseignes était destiné à prendre une part très active à la guerre. Le chef que les officiers avaient choisi était Louis Pfyffer. Tavannes les avait dirigés, à leur entrée en France, sur le corps du maréchal de Saint-André, qui guettait les renforts allemands amenés par d’Andelot, pour tenter de s’opposer à leur passage. Les Suisses ne furent point tourmentés par les cavaliers allemands qui remplissaient les environs de Langres ; ils traversèrent Châtillon, Troyes, Sens, et arrivèrent à Melun le 16 novembre. Il y a lieu de s’étonner que les Suisses ne se soient point heurtés contre les Allemands, que d’Andelot conduisit par la Lorraine et par Langres ; la marche de Pfyffer était presque téméraire, car il n’avait aucune cavalerie pour s’éclairer ; mais d’Andelot évitait lui-même avec soin toutes les rencontres, pressé qu’il était de conduire ses renforts au secours d’Orléans et de permettre aux huguenots de reprendre l’offensive.

Condé prit une résolution hardie ; il marcha sur Paris pour faire le dégât autour de la capitale et y jeter la terreur. Il avait joint les reîtres à Pithiviers. Ayant perdu un peu de temps à prendre les petites villes placées sur sa route, quand il arriva devant Corbeil, il trouva la ville fortement occupée. Tous les ponts étaient coupés entre Paris et Corbeil, et il fallait emporter ce point pour passer sur la rive droite du fleuve. Saint-André s’y était jeté avec sept enseignes de la Picardie, et les huit enseignes suisses de Pfyffer l’y avaient rejoint. Condé rencontra une résistance obstinée et dut lever le siège le 23 novembre. Ce fut la première action où fut engagé Pfyffer : elle eut pour résultat très important de contraindre Condé à rester sur la rive gauche de la Seine et de l’empêcher d’attaquer