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c’est à lui qu’il faut principalement attribuer la durée de la crise financière dans laquelle l’Égypte se débat depuis 1876. Pour ceux qui ont vécu à Alexandrie ou au Caire, il n’est pas douteux que, si on ne restreint pas son autorité, en modifiant profondément l’organisation de la réforme, la magistrature égyptienne restera plutôt un corps politique qu’un corps judiciaire. Mais il n’en serait plus de même le jour où la cour d’Alexandrie, déjà diminuée par la création d’un tribunal des conflits et d’une cour de cassation, serait divisée en deux chambres ayant l’une et l’autre à leur tête deux vice-présidens égaux en pouvoir. On sait que le président de la cour est indigène ; son rôle étant tout à fait honorifique, il pourrait sans inconvénient continuer à le jouer ; la présidence indigène maintiendrait même l’unité apparente de la cour d’appel. Les deux vice-présidens conserveraient, chacun dans sa sphère, une grande autorité. On aurait tort néanmoins de leur laisser tous les pouvoirs administratifs et disciplinaires que M. Lapenna s’est arrogés aux dépens du parquet. Rendre au ministre de la justice et aux procureurs-généraux une part d’influence serait une mesure équitable. Les puissances avaient espéré que l’organisation d’un parquet muni de fonctions importantes apporterait un tempérament utile à l’omnipotence des tribunaux ? on avait beaucoup insisté sur cette garantie dans les négociations qui ont précédé la réforme ; malheureusement le parquet n’a pas pu ou n’a pas su se défendre contre la cour ; le règlement judiciaire, qui a été fait sans lui et contre lui, lui a enlevé ses attributions les plus légitimes ; il s’est trouvé désarmé pour soutenir la lutte, et il y aurait complètement succombé si la France ne s’était pas opposée à sa dernière défaite. Pour se débarrasser d’une autorité rivale de la sienne, M. Lapenna, nous l’avons dit, n’avait rien imaginé de mieux que de transformer en magistrats assis tous les membres du parquet qui n’étaient point des indigènes. Un seul, en effet, n’a pas été assis : c’est le substitut français, auquel son gouvernement a interdit de se prêter aux combinaisons de la cour. Il serait indispensable de revenir sur la désorganisation du parquet et de donner autant que possible à cette institution fondamentale le caractère qu’elle a en Europe. Pourquoi ne pas rendre également quelque autonomie aux tribunaux de première instance ? pourquoi ne pas leur laisser, sinon le droit absolu de régler leurs affaires intérieures, au moins celui d’en préparer et d’en discuter le règlement ? pourquoi continuer à permettre que les intérêts matériels mêmes des juges soient complètement à la merci de la cour et qu’aucun magistrat ne puisse, par exemple, s’absenter quelques jours sans l’autorisation formelle du vice-président de la cour ? A l’heure actuelle, les juges, les greffiers, les huissiers, etc., sont entièrement sous la main de M. Lapenna, qui seul a le droit de