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promesses qu’ils ne sauraient tenir et des adulations injurieuses par leur excès même… Si vous voulez savoir qui vous trompe, observez qui vous flatte. Ne vous arrêtez pas aux programmes, regardez aux actes… Ne donnez vos voix ni à ces faux amis de la constitution qui ne cherchent dans le droit de la perfectionner que le moyen de. la détruire, ni à ces agitateurs suspects qui fomentent les haines sociales parce qu’ils en vivent, ni à ces incorrigibles sevtaires qui n’invoquent la clémence que pour réhabiliter le crime.


Au moment où Lanfrey recommandait avec tant d’insistance à ses amis républicains de faire des choix réfléchis, sérieux et dignes d’une nation libre, il était bien loin d’espérer que ses conseils eussent grande chance d’être suivis.


… Les élections générales m’inquiètent beaucoup, je l’avoue… Je souhaite vivement que ces prévisions soient démenties par l’événement, mais jusqu’ici je ne partage pas, je dois le dire, l’optimisme du plus grand nombre de mes collègues et amis politiques. Dans tous les cas, si notre bonne fortune l’emporte, si nous avons des élections sagement républicaines, si nous obtenons, non pas une victoire trop complète, parce que notre parti en perdrait la tête, mais purement et simplement une bonne et saine majorité constitutionnelle, ces élections resteront, je le crois, une date mémorable dans l’histoire de France.


Ce fut précisément cette victoire trop complète des républicains, si appréhendée par Lanfrey, et non pas celle d’une saine majorité constitutionnelle, qu’amenèrent les élections de 1876. Dès les premiers jours de la réunion de la chambre des députés et quand il a pu se rendre compte des tendances de la nouvelle assemblée, la sollicitude patriotique de Lanfrey est aussitôt éveillée pour ne plus jamais s’endormir. Avec une sagacité devenue plus clairvoyante à mesure qu’il a plus avancé dans la vie dont le terme pour lui est maintenant si proche, ce qu’il redoute, ce ne sont point les « projets liberticides » de la réaction, dénoncés alors chaque matin dans les journaux de la démagogie, ce sont les fautes, les violences, et surtout l’incapacité de ceux qui vont prendre à leur charge les destinées du régime républicain.


Nos dangers proviennent en grande partie de la composition de la chambre actuelle, qui est une sorte d’incarnation de la médiocrité, au point de vue intellectuel comme au point de vue moral. On peut tout craindre de la part de gens qui ne savent ni ce qu’ils veulent ni où ils