Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont il souffre, s’était introduite dans sa vie. Jusqu’au moment de la mort de sa mère, qu’il perdit à Chambéry en août 1875, sans avoir pu arriver à temps pour lui fermer les yeux, il avait pris l’habitude d’aller passer près d’elle l’intervalle des sessions. La politique courante ne lui était pas toutefois devenue indifférente ; loin de là. Le 1er février 1874, il avait envoyé à la Revue des Deux Mondes une étude sur la Politique ultramontaine, dans laquelle on ne retrouvait plus, quoique rien au fond ne fût changé de ses opinions en matière religieuse, le même ton acerbe que dans un précédent article, écrit en 1867, sur les Pamphlets d’église[1]. Ce recueil recevait encore de lui presque au même moment un autre travail sur le Septennat, qui n’y fut pas inséré, et dans lequel l’auteur développait avec étendue les raisons qui l’avaient empêché d’adhérer à la formation d’un régime qu’il qualifiait de combinaison illogique et bâtarde.

Le dernier acte politique auquel Lanfrey ait pris une part que l’on ignore communément, est le manifeste qu’il fut chargé de rédiger, en 1876, par le comité électoral du centre gauche, où siégeaient alors MM. Krantz, Ricard, Scherer, Feray, Casimir Perier et Pernolet. La rédaction, soumise à ses collègues et approuvée par eux, s’inspirait à la fois des sentimens les plus libéraux et les plus conservateurs. On dirait même, si l’on remarque la fréquence et la vivacité si fort accentuée des appels adressés à l’esprit de sagesse et de modération, qu’une certaine inquiétude trop justifiée sur le résultat final n’a pas laissé que de préoccuper un peu celui qui a écrit les lignes qu’on va lire :

Nous touchons à une épreuve décisive… La république qui vient d’être fondée sera-t-elle définitivement affermie ? .. Telle est, réduite à ses vrais termes, la question qui vous est soumise… Vous n’avez qu’un seul moyen de conserver la république, c’est de vous en montrer dignes.

On reconnaîtra que vous êtes mûrs pour la liberté si vous savez la faire respecter par l’indépendance et la sagesse de vos choix, si vous prenez soin de n’alarmer aucun des grands intérêts sociaux, si vous nommez des représentans tout à la fois fermes et modérés. On ne l’oublierait pas impunément, c’est cette politique de fermeté et de modération qui a fondé nos institutions ; c’est elle seule qui peut les faire vivre. Honorez-vous donc devant le monde par des choix sérieux, réfléchis, sensés, dignes d’une nation libre et de la cause que vous entendez servir. Ce n’est pas par des élections d’aventure ou de rancune que vous rendrez à Paris le grand rôle dont nos malheurs l’ont dépossédé.

Défiez-vous de ces coureurs de popularité qui vous prodiguent des

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1867 et du 1er février 1874.