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s’étaient même trouvées dans une mesure modeste, si elles avaient été accompagnées de bonne volonté, l’œuvre n’était pas encore impossible. Le malheur de ceux qui sont bientôt arrivés au pouvoir a été de se considérer comme des conquérans, de tout confondre, de porter dans les affaires l’esprit d’exclusion et de représaille, les passions de secte, les ressentimens révolutionnaires ; leur malheur a été de se figurer qu’ils n’avaient rien de plus pressé, rien de mieux à faire que de mettre au service d’une jalouse, d’une impatiente domination de parti toutes les forces de gouvernement et d’administration dont ils disposaient, dont ils trouvaient maintenant commode d’user à leur profit. Ils ont réussi à se créer un système un peu singulier, assez original, qui est tout simplement un composé d’agitation et d’arbitraire, un mélange de tous les préjugés d’opposition ou de radicalisme et des plus mauvaises pratiques de tous les régimes qui les ont précédés. Au fond, c’est cela : dans leurs projets, dans leurs combinaisons, dans leurs actes, ce sont de semi-révolutionnaires maniant sans prévoyance les ressorts les plus délicate ou les plus suspects de gouvernement. Ils ont voulu faire de l’ordre avec du désordre, et ils ont fait aussi parfois du désordre avec l’ordre tel qu’ils le comprenaient. Ils n’en sont pas arrivés là du premier coup, ils y arrivent. Le résultat est ce qu’on voit aujourd’hui ; c’est cette triste campagne qui se poursuit, où, pour la satisfaction évidente d’une passion de secte, on déploie toutes les ressources, tous les raffinemens de l’omnipotence administrative et où l’état est assurément compromis dans de bizarres aventures. M. le ministre de l’intérieur, pour son coup d’essai, s’est montré un heureux imitateur des procédés de l’empire, c’est ce qu’on peut dire de plus avantageux pour lui ; mais enfin, parlons franchement, n’est-ce pas se faire une singulière idée de la dignité de l’état et offrir un étrange spectacle à un pays que de déployer la force publique, gendarmes et bataillons de ligne, pour protéger l’effraction de quelques portes de couvens, ou d’envoyer des commissaires de police qui sont obligés de se glisser dans une chapelle, pour s’insinuer dans une Sacristie, pour pénétrer de là dans une maison religieuse ? Qui joue ici le rôle le plus humiliant ? Quelle figure donne-t-on à la république qu’on prétend servir ? Voilà cependant où l’on peut être conduit, une fois qu’on est entré dans cette redoutable voie d’aventure !

C’est la loi, répète-t-on sans cesse, il faut bien faire exécuter la loi ! On ne voit pas qu’on tourne toujours dans le même cercle et que c’est là justement la question. Si les religieux qu’on pourchasse ont commis un délit, qui a le droit de qualifier le délit ? S’ils ont encouru une peine, qui a le droit de déterminer et d’infliger la peine ? Ce n’est pas apparemment l’administration. S’il n’y a ni délit ni peine, s’il n’y a qu’une question douteuse, que ne procédait-on comme un vrai gouvernement doit procéder ? Que ne commençait-on par aller demander une loi