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DE L'INTERPRETATION
DU
REPERTOIRE COMIQUE

Si la Comédie-Française n’existait pas, — il faudrait l’inventer, cela va sans dire, — mais avez-vous remarqué que nous nous trouverions véritablement coupés de toutes communications avec notre passé ? Car enfin, combien connaissez-vous d’institutions, en France, au XIXe siècle, dont quelque fâcheux accident n’ait pas trois ou quatre fois interrompu l’histoire, et qui puissent, au temps où nous sommes, célébrer le deux-centième anniversaire de leur fondation ? On a parlé de l’Opéra. Mais, sans examiner si l’Opéra, par hasard, n’aurait pas subi dans le cours du temps, et par le seul effet des transformations de son genre lui-même, quelque transformation plus profonde que la Comédie-Française, vous semble-t-il que la scène de Lulli, de Gluck, de Piccini, de Rossini, de Meyerbeer, soit aussi nationale que la scène de Corneille, de Molière, de Racine, de Regnard, de Voltaire, de Marivaux et de Beaumarchais ? et, de l’Académie nationale de musique et de danse, pourriez-vous bien dire ce que Voltaire disait de la Comédie-Française : « C’est là que la nation te rassemble, c’est là que le goût et l’esprit de la jeunesse se forment : les étrangers y viennent apprendre notre langue ; nulle mauvaise maxime n’y est tolérée et nul sentiment estimable n’y est débité sans être applaudi ? » Je me défierais bien un peu, si c’en était le temps présentement, de ce que Voltaire, dans sa langue, appelle « mauvaise maxime » et « sentiment estimable. » On gagne toujours quelque