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destinée, qu’il crie à l’injustice. « Il a joué avec l’espoir de gagner, il a perdu, il paie. Qu’y faire ? Il n’avait qu’à ne pas jouer… Tout être qui ne s’attache qu’aux choses éternelles ne connaîtra pas ces malheurs-là. De là cette sérénité des grands religieux et des grands philosophes ; de là leur mépris bienveillant, charitable et doux pour les infortunes humaines dont ils ont trouvé la cause dans les erreurs et les faiblesses du petit désir humain. » — Eh ! quoi, s’écrient les mécontens et les mécontentes, prétendez-vous faire de nous des automates, des machines, ou nous transformer en raisonneurs, en saints, en contemplatifs ? Est-ce là ce que vous nous demandez ? — Moi, je ne vous demande rien, leur répond M. Dumas, j’établis tout bonnement ce qu’on appelle un état de situation.

Pour ce qui est des femmes qui s’affligent de payer l’impôt sans l’avoir voté, nous attendrons pour nous apitoyer sur leurs douleurs qu’elles nous montrent un seul homme qui, après l’avoir voté ou avoir cru le voter, éprouve quelque plaisir à le payer. Avant de souhaiter qu’on leur octroie les droits politiques après lesquels elles soupirent, nous attendrons qu’elles se déclarent prêtes à accepter leur part de toutes les charges que l’état fait peser sur ceux à qui il confère le droit de suffrage, sans oublier le service militaire universel et obligatoire. Nous attendrons aussi qu’elles nous aient démontré, non l’égalité des deux sexes, que nous ne contestons point, mais leur parité et leur parfaite ressemblance, et qu’elles aient répondu à Rousseau qui disait : « En ce qu’ils ont de commun, ils sont égaux ; en ce qu’ils ont de différent, ils ne sont pas comparables. » Enfin nous attendrons qu’elles se soient mis en règle avec Platon, qui, dans sa république idéale, ne les autorisait pas seulement à être électeurs et éligibles, mais leur donnait accès à toutes les magistratures civiles, judiciaires ou politiques. En revanche, ce grand esprit entendait que leur éducation comme leurs habitudes fussent identiques à celles de l’homme, et, les enrôlant sous les drapeaux, il les relevait de toutes leurs fonctions domestiques. Mais n’ayant pas vu que cela fût possible sans abolir la famille, il la supprimait d’un trait de plume ; cette extrémité ne l’effrayait point. Le génie ne fait jamais les choses à demi ; conduit par cette infaillible logique qui est à la fois son privilège et sa croix, il pousse jusqu’au bout la rigueur de ses raisonnemens. C’est là proprement la marque du lion.

Est-ce au nom de leur bonheur que les femmes aspirent à jouer un rôle apparent dans la politique ? Leur candeur serait extrême. Connaissent-elles un homme dont la politique ait fait le bonheur ? Serait-ce au nom de leur dignité, qui s’indigne d’obéir toujours, de ne commander jamais ? On raconte que les Abipones de l’Amérique du Sud, toutes les fois que leurs femmes les rendaient pères, s’empressaient de s’aliter