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L’ÉMANCIPATION
DES FEMMES

Nous vivons dans un temps où institutions publiques, dogmes religieux, lois qui régissent le mariage et la propriété, tout est remis en question, au grand désespoir des esprits rangés, qui aiment à se persuader que tout est parfait dans le monde, qu’il n’y a point de retouches à y faire… Il est vrai que les changemens qu’on voudrait introduire dans notre vieille société ne sont pas tous heureux, ni séduisans, que quelques-uns ne ressemblent guère à des progrès, et que la façon dont on les propose est propre à en dégoûter non-seulement les têtes à préjugés, mais les philosophes eux-mêmes et les gens de goût. Parmi les prêcheurs et les preneurs de nouveautés, il est des penseurs sérieux qui méritent qu’on les écoute et dont les erreurs même sont profitables au genre humain. D’autres n’ont en tête « qu’un intérêt de gueule ; » ce sont leurs appétits qui leur dictent leurs oracles, et d’habitude un appétit est aussi déraisonnable qu’un préjugé. D’autres encore sont des esprits excessifs et brouillons, qui, par emportement de logique ou par un excès de confiance en leur sagesse, ont juré une haine mortelle à tout ce qui est ; ils estiment qu’au préalable il faut tout détruire, et il est à présumer que, si on les laissait faire, la maison qu’ils nous bâtiraient nous ferait regretter cille que nous avons. D’autres enfin sont des baladins et des clowns, qui se servent des questions comme d’un tremplin pour faire leurs tours, ou des charlatans, qui ont besoin d’une grosse caisse pour attirer les badauds dans leur boutique.

De toutes les questions sur lesquelles on peut être tenté de raisonner