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recueillis dans les ambulances allemandes étaient, amis ou ennemis, couchés, opérés et déjà pansés avec soin. Lorsqu’après Borny, chargé de la douloureuse mission de diriger, conjointement avec un des médecins en chef allemands, l’enterrement de nos morts tombés dans les lignes ennemies, nous pûmes parcourir librement le champ de bataille de la veille, nous eûmes la consolation de voir que pas un blessé n’avait été oublié.

Tous les blessés ne peuvent être hospitalisés jusqu’à leur guérison dans les environs du champ de bataille ; pour éviter l’encombrement, il faut évacuer tous ceux qui sont transportables. Les armées étrangères ont pour remplir cette mission des compagnies de brancardiers, des voitures d’ambulance, des brancards en nombre considérable ; en France, nous n’avons pour cela que les fourgons du train ou des voitures de paysan qu’on remplit de paille. C’est encore, même en 1870, tout ce qu’on put nous fournir pour ramener dans leurs lignes des blessés allemands échangés contre les nôtres, et nous dûmes plusieurs fois arrêter la marche du convoi, tant nous étions douloureusement impressionnés par les hurlemens de douleur que poussaient de malheureux blessés que les cahots des voitures jetaient les uns sur les autres. L’Allemagne, l’Autriche, la Russie, peuvent transformer en temps de guerre leurs wagons à marchandises pour y suspendre des brancards, et ils constituent ainsi de véritables hôpitaux roulans. Pendant la guerre franco-allemande, la plupart des blessés allemands ont été évacués ainsi sur l’Allemagne ; pendant la guerre dernière, vingt et un convois, toujours en activité, ont transporté dans les hôpitaux de leur pays deux cent mille malades et blessés de l’armée russe. Lorsqu’on Italie nous eûmes à transporter de Milan à Vérone des blessés autrichiens pour les rendre à leurs compatriotes, nous n’eûmes à notre disposition que des wagons à marchandises remplis avec de la paille, sur laquelle reposaient ces malheureux, et les choses ne furent guère meilleures en 1870.

Tous les blessés ne sont pas transportables ; il en est qu’il faut traiter et par conséquent qu’il faut hospitaliser sur place. C’est ce que peuvent faire les armées allemandes qui possèdent des hôpitaux mobiles de champ de bataille (Feld-Lazarethe) ayant leur organisation propre en personnel et en matériel, qui possèdent des tentes-hôpitaux, des lits démontans, transportables, et nous savons par expérience que ces soi-disant impedimenta n’ont pas empêché l’armée allemande d’exécuter, en 1870, des marches foudroyantes. Grâce aux tentes d’ambulance dont j’avais donné le modèle, en 1868, modification de la tente d’ambulance américaine, et que j’avais attribuées aux ambulances que j’avais organisées comme