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devez revenir, et que, si vous n’obtenez pas immédiatement votre nomination au conseil de l’empire, vous devez assister aux séances du sénat. Pour ma part, je n’ose vous donner un pareil avis, je suis pour cela trop épris d’un beau ciel et d’un hiver d’Italie, et considérant qu’on ne vit qu’une fois, je passerais, à votre place, l’hiver dans le Midi. Au printemps, votre position ici serait la même qu’aujourd’hui. A quoi bon sacrifier inutilement un hiver que vous pouvez passer à Nice, à Florence et enfin à Paris ? Remarquez que je ne parle pas en égoïste, car pour moi votre présence ici serait aussi utile qu’agréable : on aurait avec qui causer, et de qui recevoir des idées lumineuses (svêtlia)…  »

En le laissant maître de passer encore un hiver en Occident, cette lettre comblait tous les vœux de Nicolas Alexèiévitch. Aussi n’est-on pas surpris de sa réponse au ministre de l’instruction publique.


N. Milutine à M. G.


« Paris, 1/13 octobre 1862.

« Très honoré A. V.

«  Votre lettre a été une grande joie pour moi. Je ne sais comment vous témoigner ma reconnaissance de votre bon souvenir et de cette marque de franche amitié. Mon premier mouvement a été de vous adresser mes plus sincères remercîmens, mais, pour répondre d’une manière précise à la gracieuse question de l’empereur sur le moment où je pourrai revenir, il faudrait attendre la décision des médecins sur l’ordre desquels je suis venu à Paris.

« Avant tout, je dois vous dire combien profondément j’ai été touché de cette nouvelle marque d’intérêt de Sa Majesté. L’empereur, comme vous me l’écrivez, a daigné se rappeler que le printemps dernier, dans une entrevue personnelle, il m’avait autorisé à rester à l’étranger aussi longtemps que l’exigerait ma santé. Ce souvenir a été pour moi comme une ratification de mon congé officiel, dont je ne jouissais jusqu’à présent qu’avec beaucoup de scrupules. Craignant d’abuser de la bonté de Sa Majesté, je me demandais avec anxiété si je pourrais prolonger durant l’hiver mon séjour à l’étranger. Votre communication a définitivement écarté mes scrupules et je me décide à me conformer aux conseils des médecins qui, pour l’achèvement de ma guérison, me recommandent avec insistance un second hiver dans un climat chaud1. Aussi, puisque mes faibles travaux ne sont pas nécessaires à Pétersbourg, je suis heureux de mettre à profit mon congé. Il va sans