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personnages intéressés. Wielopolski s’était mis à l’œuvre et, secondé du prince Gortchakof et de quelques personnes, il avait ébranlé les premiers plans de l’empereur. On a inventé une nouvelle combinaison ; c’est de confier l’administration du royaume à Wielopolski, et, pour tranquilliser ceux qui n’ont pas foi dans sa sincérité, de placer au-dessus de lui un vice-roi (namiestnik) dans la personne même du grand-duc Constantin. Au grand étonnement de tous (y compris l’empereur lui-même), le grand-duc a non-seulement accepté la combinaison, mais il a montré un empressement particulier……. Tout cela a été fait en quelques jours, on pourrait presque dire en quelques heures, et mon humble personne, inopinément placée au premier plan, a bien vite été reléguée au dernier pour mon entière satisfaction. Le grand-duc a imaginé, comme fiche de consolation, de me faire nommer dès aujourd’hui membre du conseil de l’empire et du comité des paysans ; il en a même fait la proposition formelle à l’empereur.

« Voilà dans quelles conditions a eu lieu l’audience d’aujourd’hui. L’empereur m’a reçu d’une manière affable, amicale même. Il paraissait un peu gêné et, grâce à la douceur et à la réelle bonté de son excellent cœur, il n’a pas cherché à le dissimuler. Il est entré dans les explications les plus détaillées touchant mon rappel et les nouvelles combinaisons survenues, et en terminant il a voulu connaître mes désirs et mes intentions personnelles. À ces franches ouvertures, j’ai répondu avec une égale sincérité.

«  Voici quelle a été la substance de mes explications : J’ai dit que ma santé n’était pas en somme assez mauvaise pour me donner réellement le droit de décliner tout service ; que pour ma femme un climat chaud était en vérité de grande importance ; mais que nous étions tous deux prêts à faire un sacrifice dans l’état actuel des affaires, si notre sacrifice pouvait avoir une réelle utilité. J’ai rappelé que si, l’année précédente, j’avais dû me retirer, que si maintenant encore je demandais une prolongation de congé, c’était principalement parce que j’étais convaincu qu’avec la haine et l’irritation soulevées contre moi, ma participation aux affaires eût été moins utile que nuisible pour la mise en vigueur du nouvel ordre de choses… Ces difficultés, ai-je ajouté, ne me paraissent pas encore entièrement éloignées ; mais pour moi, du reste, il m’est impossible d’être juge dans ma propre cause, et c’est à lui, le souverain, à lui seul, de décider et quand ma participation au gouvernement peut être réellement utile. Tout cela, on le comprend, a été dit à bâtons rompus, avec interruptions, commentaires et réflexions de toute sorte, mais dans leur ensemble, ces explications ont été accueillies avec sympathie. Comme conclusion, il, a été décidé que je retournerai à l’étranger pour l’été et que je reviendrai ici