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confie quelque travail. Il m’est très pénible de toucher un traitement sans rien faire, et je voudrais rendre service d’une façon quelconque. Je serais pleinement heureux si l’on m’employait, principalement pour les questions concernant l’organisation administrative des institutions locales. C’est une partie que je connais très bien et où mon travail pourrait, je l’espère, être utile. »

En montrant peu d’empressement pour rentrer au service, Milutine ne faisait que se conformer à l’avis des plus éclairés de ses amis, tels que le généreux Samarine. La grande-duchesse Hélène, qui, dans son désir de voir Milutine revenir aux affaires, paraît avoir été d’abord d’un avis différent, s’y rallia bien vite elle-même, comme on le voit par les trois ou quatre lettres suivantes…….

La grande-duchesse Hélène à N. Milutine.


« Saint-Pétersbourg, 26 janvier/7 février 1862[1]

«… Au moment de recevoir cette lettre, vous aurez déjà reçu les propositions du grand-duc Constantin, faites du consentement de l’Empereur. Nous pensons tous qu’il ne faudrait pas prolonger votre absence au-delà de l’été. Appelé par l’Empereur lui-même, il y aurait de la mauvaise grâce à mettre un second hiver entre votre rentrée au service effectif. Des questions très importantes seront sur le tapis au mois de septembre, comme par exemple l’organisation provinciale qui s’élabore à présent. De plus, la coordination des paysans des domaines avec le pologénié (statut d’émancipation) doit se traiter et se décider vers cette époque, question grave par rapport au rachat et où il y a divergences d’opinions entre le grand-duc Constantin, V. et Z. Tout cela est sérieux et s’attaque aux fibres mêmes du pays. De plus, l’organisation des états provinciaux avec représentation de la propriété foncière (soit de la noblesse ou soit des paysans et des villes, etc.) préoccupe généralement ; faute de connaissance, elle se produit dans des propositions informes qui nuisent à la cause et lui font tort en haut lieu, où le mot de zemstvo effraie[2]. Il serait à désirer que ***, qui est destiné à beaucoup dire et à peu faire, pût préparer le terrain

  1. Les lettres de la grande-duchesse Hélène sont d’ordinaire écrites dans notre langue. Aussi respecterons-nous jusque dans ses légères incorrections le français pétersbourgeois de cette princesse d’origine allemande.
  2. Ce mot, définitivement adopté, rappelait le zemskii sobor, ou les états-généraux de l’ancienne Moscovie.