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mais si, par des satisfactions habiles, mesurées, il est parvenu à apaiser les races dissidentes, il a provoqué d’un autre côté chez les Allemands une hostilité passionnée, violente, qui se manifeste aujourd’hui par une campagne d’agitation organisée contre lui. Le comte Taaffe réussira-t-il à rallier dans le parlement une majorité suffisante, suffisamment fidèle pour continuer l’application de sa politique ? C’est la grave question qui le débat à Vienne, à côté de la question orientale, qui a une bien autre importance pour la puissance autrichienne.

Voilà bien longtemps déjà, on pourrait dire un siècle, tant les années ont compté par les catastrophes, il y a en au-delà des mers un pays qui a été pour le dernier empire napoléonien ce que l’Espagne avait été pour le premier. Il y a eu un pays, — le Mexique, — où des armées françaises ont été jetées à l’aventure, où une royauté romanesque, née d’un rêve d’halluciné impérial, a péri dans le sang, où se sont déroulées des tragédies qui ont disparu depuis dans le torrent déchaîné de bien autres événemens et qui n’ont point été elles-mêmes étrangères à ces événemens. Tout ce qui s’est passé, en effet, dans ce pays il y a quinze ans a été le prélude de la plus sombre histoire, une des causes de nos désastres. C’est parce qu’il y a eu une expédition du Mexique que notre politique a été enchaînée ou dévoyée en Europe, que la France s’est sentie désarmée à des momens décisifs, que les ressources militaires se sont trouvées épuisées, que les arsenaux ont été vidés pour aller combler le gouffre sans fond, et par une fatalité de plus, du Mexique nous est revenu empanaché celui qui devait livrer une armée et Metz ! C’est pourquoi le Mexique, il faut l’avouer, le Mexique a gardé pour nous un mauvais renom et comme un reflet sinistre. Il est resté entre les deux pays le souvenir d’une faute terriblement expiée par la France et l’image d’une victime cruellement immolée par les Mexicains. Les rapports ont été longtemps interrompus. Ce qui s’est passé pour la France dans l’intervalle est comme une suite fatale de l’expédition du Mexique, on ne le sait que trop. Que s’est-il passé d’un autre côté au Mexique même ? Quel fruit le pays a-t-il recueilli d’une victoire qui était à la vérité la victoire de son indépendance ? On ne peut certainement pas dire que de cette grande crise où il s’est trouvé momentanément engagé, il soit sorti avec un gouvernement plus fort, une liberté mieux réglée et des institutions plus respectées, avec une paix intérieure moins exposée aux insurrections et aux révolutions ; il a repris la vie habituelle des républiques hispano-américaines, après une convulsion de nationalité plus funeste pour la France que profitable pour son propre développement et sa prospérité.

Aujourd’hui près de quinze ans sont passés, et le dernier mot d’une si lointaine histoire est cette nouvelle, qui aurait paru insignifiante si elle n’eût réveillé tous ces douloureux souvenirs, qui annonce le rétablissement des relations entre les deux pays. Il est certain que le passé est