Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/950

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’applaudit de l’heureuse bouffonnerie. Mais il était fermement convaincu que les choses avaient dû se passer telles qu’il les montrait et rien sans doute n’était plus loin de sa pensée que l’intention de délasser les spectateurs, par un intermède comique, de la violence de leurs émotions. Pareillement, quand il prêtait, soit aux diables, soit aux bourreaux du Christ, les « ordes » plaisanteries qu’il leur prête, il faisait assurément parler les bourreaux comme, ils parlaient de son temps, et c’était sans aucune intention de familiarité qu’il attribuait aux Satan, et aux Lucifer les dialogues bizarres qu’ils entretiennent dans le Mystère de la Passion. Quand le comique ou le bouffon s’introduisirent, un peu plus tard, dans la composition des Mystères, ce fut donc le signal de la décadence, ou plutôt de l’irrémédiable corruption des Mystères. Et l’erreur est la même quand on enveloppe cet élément comique dans la définition des Mystères que si l’on prétendait envelopper les tirades philosophiques de Voltaire, de Marmontel et de Laharpe dans une juste définition de la tragédie classique. De pareils traits rentrent si peu dans la définition d’un genre qu’ils sont au contraire les signes où l’on reconnaît que ce genre est un genre épuisé. Mais il n’y a décidément pas d’erreur plus difficile à chasser de la critique. On parle, sans cesse, on parle éloquemment de la nécessité d’en unir avec les distinctions des genres, avec la rhétorique de Laharpe ou de l’abbé Batteux, et ce sont ces genres que l’on accuse obstinément de la maladresse, de Terreur, et du défaut de génie de ceux qui les ont « cultivés. » Ce n’est pas en effet Laharpe ou Marmontel, ou, comme on disait de leur temps, « l’insuffisance de leur Minerve » que l’on rend responsable de la faiblesse de leurs productions, de Denys le Tyran ou des Barmécides, ce sont immanquablement les « règles » à la domination de qui Racine et même Corneille ont cru pouvoir se soumettre. Ce qu’il avait d’essentiel aux mystères, c’était donc l’intention d’instruire et d’émouvoir en évangélisant. Et les scènes comiques ou bouffonnes, tout de même que les splendeurs du spectacle, ou le réalisme indécent de la mise en scène, n’avaient d’autre but que d’agir plus fortement sur les imaginations et de figurer aux yeux le sens intime d’une religion qu’il importait, pour beaucoup de motifs, de ne pas laisser flotter dans le domaine de l’ancienne histoire ou de l’abstraction.

Segnius irritant auimos demissa per aurem
Quam quæ sunt oculis subjecta fldelibus…


Il n’y a pas à chercher plus loin.

C’est une erreur encore que de diviser la matière des Mystères en trois ou quatre cycles, comme on l’a fait, ou du moins que de considérer ces cycles comme autre chose que des facilités qu’il nous a plu de nous