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Qui voudrait écrire une histoire de l’architecture française au temps de la Renaissance ne lui donnerait pas sans doute pour introduction une histoire complète et détaillée de l’architecture gothique, mais il saurait contenir l’abondance de son érudition et se borner à quelques indications nécessaires. C’est ainsi qu’une histoire de la littérature française au moyen âge n’est en aucune façon le préambule obligé d’une histoire de la littérature française classique. J’essaierai plus tard d’en dire les grandes raisons. En voici toujours une : la littérature du moyen âge, avant même qu’on vît poindre l’aurore de la Renaissance, avait, comme l’architecture gothique, accompli le nombre de ses jours. Et quant à l’usage d’une même langue, ou plus exactement d’une langue sortie du même fonds de latin tudesque, il ne noue pas entre ces deux littératures plus de nœuds, ni plus étroits, qu’entre ces deux architectures ennemies l’usage des mêmes matériaux.

Aussi, tout en félicitant M. Petit de Julleville, — maître de conférences à l’école normale, — d’avoir enfin conjuré, pro portione virili, le charme qui retenait les plumes universitaires captives, ne nous interdirons-nous pas de regretter qu’il n’ait pas dépensé sur tout autre sujet le temps, les recherches et le consciencieux labeur d’érudit dont les deux volumes que voici sur les Mystères portent éloquemment témoignage. Il est vrai que ces deux volumes ne sont eux-mêmes que le commencement, — la première partie de la première section, — d’un ouvrage qui se continuera sous le titre général d’Histoire du théâtre en France. Curieux exemple, en passant, de l’espèce d’ironie qui se joue dans les choses de ce monde ! M. Petit de Julleville, helléniste de profession, auteur d’une Histoire de la Grèce sous la domination romaine, écrit l’Histoire du théâtre en France, et M. Paul de Saint-Victor, qui ne sait pas le grec, assidu spectateur des vaudevilles de M. Labiche et des mélodrames de M. d’Ennery, nous offre un gros in-octavo sur Eschyle, qui sera suivi d’un non moins gros in-octavo sur Sophocle et Aristophane. Évidemment, comme dit le proverbe, c’est qu’on aime surtout à faire ce qu’on fait bien.

Était-il possible de tirer de l’histoire de nos vieux Mystères un ouvrage vraiment intéressant ? Sachons gré du moins à M. Petit de Julleville de n’avoir pas pris la peine de nous surfaire son sujet. Il convient galamment, dès le début de son premier volume, « que le drame chrétien et national, aspirant au plus haut, tomba presque au plus bas. » C’est quelque chose qu’un pareil aveu. Je vois avec plaisir que cette façon de penser tend à s’accréditer. Il y a mieux encore. M. Petit de Julleville a eu le bon goût de ne pas envelopper dans de grands mots savans des idées très simples, et de ne nous parler ni de la loi d’assimilation et d’amplification, ni de la loi de désagrégation, ni de la loi de juxtaposition et d’agglutination. La loi d’assimilation et d’amplification, c’est cette loi