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et d’une tendresse adorables, Faust répond par les paroles du drame allemand :

Calma il tuo cor,


voix de la séduction, mais si profonde, si pénétrante que l’âme qui s’y laisse ravir sera pardonnée ! Vous souvient-il de certaines cantilènes ineffables de Bellini : « A te, o cara » des Puritains, par exemple ? c’est une inspiration de même source ; retenons ce motif que l’orchestre nous rappellera chaque fois que la mémoire de Marguerite sera évoquée dans la suite. Tandis que Faust enjôle doucement sa victime, la moquerie de Méphisio va son train sur ce mode strident dont Weber a le premier donné la note, et la situation se résout dans ce mot suprême : T amo, divinement exprimé par Faust et Marguerite et que Méphistophélès et Marthe soulignent d’un grotesque accent diabolique. L’intermède de la Nuit classique de Walpurgis est un morceau d’école, travaillé, fugué, contre-pointe, mais qui, venant après tant de belles pages écrites d’une main aguerrie aux habiletés de l’instrumentation moderne, n’a plus rien à nous apprendre sur la capacité scientifique du jeune maître. A cet art lumineux des timbres, à la souplesse harmonique de la trame, comme ù la manière dont les voix sont traitées, vous reconnaissez partout l’Italien, que n’a point dénationalisé son excursion esthéthique au pays du wagnérisme. Chaque voix a toutes les sonorités qu’elle comporte, et jamais n’est réclamé d’elle aucun effet en dehors de sa puissance naturelle. Le troisième acte se passe dans la prison. Inutile d’en relever le programme : un solo de Marguerite en style de mélopée, le duo avec Faust, sillonné, strié, lacéré des ressouvenirs les plus navrans de la scène du jardin, et finalement le trio avec Méphistophélès.

Marguerite a succombé, le démon a mis la main sur sa proie ; l’enfer a gagné la première manche au sein du naturalisme, l’idéal va lui faire perdre la seconde. Nous touchons à l’acte d’Hélène. Il semblerait que là devait être au théâtre le grand péril ; bien au contraire, c’est là surtout qu’est le succès. A Londres, l’effet a surpassé ce qu’on pouvait rêver et comme bravos et comme recettes, tellement que la clôture de la saison a dû être retardée. Faust, dont l’âme a voyagé depuis sa mort terrestre, se réveille au bord du Penéios ; la lune, immobile au zénith des nuits d’incantation, éclaire la scène, où circulent vaguement comme des ombres les sirènes et les nymphes de l’antiquité mythologique ; lorsque soudain, au milieu d’un chœur de jeunes Troyennes, Hélène apparaît.

Forma ideal purissima !
Della Bellezza eterna,
Un uom ti si prosterna
Innamorato al suol !