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prochaine, nous aurons M. Lalo, l’auteur de ce bouquet de sonorités qui s’appelle : l’ouverture du Roi d’Ys, un des succès du concert Pasdeloup. Quel meilleur exercice qu’un ballet pour se préparer à faire du théâtre ? Le symphoniste a le champ libre devant lui : point de cantatrice dont le gosier l’inquiète, aucun ténor à satisfaire ; tous les timbres d’un splendide orchestre obéissant à son évocation : il raconte, s’émeut, traduit le geste et le sourire, décrit, analyse, commente ; il est jusque dans les battemens de cœur de sa danseuse, jusque dans ses larmes, rythme ses pas, se mêle aux brises qu’elle respire, au murmure du ruisseau, au roulement du tonnerre pendant l’orage ; le sentiment, le pittoresque, la fantaisie, que n’a-t-il pas ? c’est le Prospero de cette île enchantée. Et pourtant, consultez là-dessus les musiciens, vous n’en trouverez pas un qui ne vous réponde que le moindre opéra en deux actes ferait bien mieux son affaire. Patience ! on y arrivera. Une fois entrés dans la voie où M. Vaucorbeil s’engage ; la force des choses nous y conduit, le ballet ayant pour habitude de s’associer les petits opéras. Il s’agit donc là d’une intéressante rénovation dans l’ordre des spectacles et dont tout le monde profitera, les jeunes talens sans emploi et le public un peu fatigué, disons-le, par le régime décidément trop riche auquel on le soumet en ne lui donnant à consommer que des grands ouvrages en cinq actes. Je souhaite vivement pour ma part que l’épreuve qu’on va tenter avec le Comte Ory réussisse, parce que nous y gagnerons d’entendre à nouveau un des plus charmans chefs-d’œuvre du passé et que ce succès aura son influence sur la réalisation du programme de l’administration. Déjà, en prévision de certaines objections faciles à concevoir, on s’industrie à rétrécir l’immense scène pour la circonstance, à la mettre plus en rapport avec les conditions d’une musique d’opéra de genre. Ainsi l’aménagement sera réglé, charpenté de manière à rapprocher le son. Rappelons-nous ce joli tableau d’un si délicat maniérisme, représentant un Guignol allégorique opérant sous le ciel ouvert de l’Hellade : ce sera, si vous voulez, quelque chose d’approchant, un Guignol où l’on jouera du Rossini, de l’Auber, du Grétry avec accompagnement des petits violons et pour servir de préface au ballet.

Parlons maintenant de la troupe : rien encore de précisément constitué, mais des efforts persévérant de bonne volonté. Tout ce qui s’offre est essayé, il en vient du nord et du raidi, de l’Opéra-Comique, de l’ancien Théâtre-Lyrique, du Conservatoire, et ce défilé nombreux et varié a toujours eu cet avantage de faciliter au répertoire les combinaisons d’affiche pendant la saison d’été, non que l’été soit aujourd’hui pour l’Académie nationale l’ingrate saison qu’il fut jadis : les chemins de fer ont changé cela, et, grâce aux visiteurs dont Paris est encombré à cette époque, les mois de, juillet et, d’août, désastreux autrefois, sont devenus des plus fructueux. Croirait-on que, par ces accablantes chaleurs