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à l’appui de la théorie des localisations cérébrales chez l’homme, en ce qui concerne les régions motrices.

Passons à la région sensitive. Les faits d’expérience localisent celle-ci en arrière des centres moteurs. Mais, chose curieuse, s’il arrive que les lesions limitées de cette région se révèlent au dehors par des anesthésies circonscrites, il arrive aussi, et le plus souvent, que ces lésions restent latentes, lorsqu’elles ne siègent que sur un seul des hémisphères cérébraux. Aucun signe ne vient alors révéler la perturbation pathologique, et l’on paraît forcé d’admettre dans ces cas la substitution fonctionnelle, c’est-à-dire la possibilité d’un fonctionnement régulier de deux régions sensitives homologues, malgré absence de l’un des deux centres cérébraux correspondans. Que signifie ceci ? La doctrine des localisations doit-elle être abandonnée à l’égard des centres sensitifs ? Un seul centre cérébral suffit-il aux deux moitiés du corps ? Selon toute probabilité, cette anomalie doit s’expliquer par une insuffisance d’observation : la maladie des centres cérébraux a pu se révéler, au dehors par un simple affaiblissement sensitif, qui peut facilement passer inaperçu, et non par une anesthésie totale. Il n’est pas rare d’ailleurs que les lésions de la région motrice se traduisent pareillement, non par une paralysie, mais par une parésie, c’est-à-dire un affaiblissement et non une abolition de fonctions. Mais, à côté de ces cas particuliers, il en est d’autres où des troubles sensitifs des mieux caractérisés accompagnent les lésions de la région sensitive : ce sont eux d’ailleurs qui permettent d’affirmer la localisation.

Les symptômes peuvent être de deux ordres, selon la nature et selon la phase de la maladie : symptômes d’excitation, qui se traduisent par la production de sensations subjectives ne répondant à rien au dehors ; symptômes d’anesthésie, se manifestant par l’abolition des perceptions qui relèvent des régions atteintes. De même que pour les régions motrice et intellectuelle, ces deux classes de symptômes peuvent s’observer alternativement chez un même malade.

Parmi les cas de nature à confirmer la théorie des localisations, en voici un caractéristique. Un enfant fit une chute sur la tête et s’enfonça une portion du pariétal ; il devint aveugle de l’œil du côté opposé. Le trépan fut appliqué ; et le fragment enfoncé relevé : la cécité cessa aussitôt. À peu de temps de là, l’inflammation se mit au point lésé : la Cécité revint et dura jusqu’au moment où l’inflammation diminua et disparut pour faire place à la guérison définitive. La compression exercée sur le centre visuel par l’os d’abord, puis par les produits inflammatoires, était évidemment la cause de la cécité intermittente observée. D’autres cas établissent la possibilité d’une. excitation anormale du centre visuel.