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l’expérimentation peuvent-ils s’appliquer à la physiologie du cerveau de l’homme ? C’est à la clinique de prendre maintenant la parole et de dire si la physiologie fait ou non fausse route en soutenant la doctrine des localisations cérébrales chez l’homme.


III

L’on sait en quoi consiste la méthode clinique. Appliquée à l’homme le plus souvent, surtout dans la question actuelle, elle revient à ceci : observer les symptômes provoqués par les maladies cérébrales ; à l’autopsie, les rapprocher des lésions révélées par l’œil nu ou le microscope, et en conclure à la relation de cause à effet, des lésions aux symptômes. Il le faut bien avouer, les difficultés sont grandes à séparer en pathologie cérébrale l’essentiel de l’accidentel, à distinguer la pluralité des causes et souvent à distinguer la cause de l’effet. En outre, il arrive fréquemment qu’une maladie cérébrale ne se révèle à l’autopsie par aucune lésion appréciable à nos moyens d’investigation. De là des causes d’erreur, de confusion ; de là des déceptions nombreuses. Ce qui complique encore la question, c’est la solidarité étroite dont la nature et les causes nous échappent souvent, mais dont nous ne saurions nier l’existence, c’est la solidarité étroite qui unit entre elles les diverses parties du système cérébro-spinal et qui nous fait sans cesse supposer qu’un simple trouble local peut amener une perturbation dans le fonctionnement de tout l’ensemble. Le cerveau nous fait l’effet d’une machine à pièces nombreuses et compliquées, où il suffit qu’une vis se relâche, qu’un écrou cède, qu’une tige se courbe ou se brise pour qu’aussitôt tout aille de travers. Ce n’est pas que l’écrou, la vis ou la tige en question nous semblent être la cause prochaine du fonctionnement de cette machine, mais comme, somme toute, les altérations de ces parties accessoires peuvent produire sur le moment un accident aussi grave que le seraient celles de pièces beaucoup plus importantes, nous restons embarrassés et indécis.

Telles sont les objections générales que peut soulever la méthode clinique ; ce ne sont pas les seules. En effet, les lésions cérébrales ont toujours une fâcheuse tendance à s’étendre et à se généraliser, et même quand elles ne l’ont pas, une action à distance, un retentissement sur le fonctionnement général du cerveau, par suite de la délicatesse de la structure de celui-ci, sont toujours à redouter. Enfin, force nous est d’accepter les lésions que nous offre la maladie : nous ne pouvons les provoquer à notre gré.