Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/915

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’existence d’une région motrice dans le cerveau. Toute question d’interprétation mise de côté, il reste indéniable qu’il y a dans le cerveau une région dont l’excitation provoque des mouvemens, lesquels varient selon la zone que l’on y excite.

En arrière de cette région se trouvent des centres sensitifs où viendraient aboutir les impressions produites sur les nerfs sensitifs par les choses du dehors et où se formerait la perception de ces mêmes impressions. En excitant ces centres, l’on produit, en vertu de la spécificité des nerfs sensitifs, spécificité d’ailleurs inhérente aux seules terminaisons de ces nerfs et non à leur structure propre, des modifications physiologiques ayant pour résultat final la production d’un sensation subjective analogue à celles que produisent nombre de maladies cérébrales. L’intelligence reporte au dehors l’origine de sensations dont la cause réside dans le cerveau même, et soit volontairement, soit le plus souvent par acte réflexe, l’animal sur lequel on opère témoigne par des signes extérieurs facilement appréciables de la nature de la sensation qu’il éprouve. En variant l’expérience et en faisant les contre-épreuves possibles, l’on arrive à déterminer l’existence et la topographie d’un certain nombre de ces centres dont Ferrier a fait une attentive étude.

Voici, par exemple, un centre visuel : son excitation donne lieu à des actes réflexes désordonnés, indiquant une perception visuelle anormale ou désagréable de l’animal en expérience. Cette preuve serait absolument insuffisante si on ne la contrôlait par l’ablation de la région en question : l’on observe alors une cécité unilatérale ou bilatérale selon que l’opération a porté sur un seul centre visuel ou sur tous les deux. Dans la même partie du cerveau se rencontre un centre auditif dont l’excitation provoque des mouvemens des oreilles, des yeux et de la tête, symptomatiques de l’étonnement ou de la terreur, et identiques à ceux qui suivent un bruit violent et inattendu : l’ablation provoque la surdité ; l’animal reste indifférent aux sons les plus forts ; il n’entend rien. Plus loin se trouve le centre des impressions tactiles. Ici l’excitation provoque chez l’animal les signes extérieurs qui accompagnent d’ordinaire la production de sensations tactiles désagréables : toute la moitié du corps qui relève du centre considéré paraît être douloureuse ou tout au moins péniblement impressionnée. L’ablation de ce centre amène une anesthésie complète de cette même moitié ; l’animal se laisse piquer, brûler, couper, déchirer sans manifester de douleur : il reste insensible.

Quelques expériences semblent indiquer l’existence de centres du goût et de l’odorat, mais il est difficile d’en tracer les limites : ils paraissent confondus et entremêlés, comme le sont d’ailleurs les