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Reste une troisième objection, capitale, celle-ci : Peut-on prouver que la diffusion électrique, impuissante à exciter le corps strié, profondément situé, n’agit pas sur la masse des fibres blanches interposées entre ce dernier et la couche corticale ? La couche superficielle épaisse de 2 ou 3 millimètres est-elle réellement excitée, ou bien sont-ce ces fibres si rapprochées ? L’objection est la même que dans le cas précédent, et il faut tenir compte en outre du peu d’épaisseur de la couche corticale. De plus, elle emprunte un grand caractère de vraisemblance à cet autre fait, admis par la majorité des physiologistes : l’inexcitabilité de la substance grise, prouvée à maintes reprises pour la moelle et presque indiscutable par suite de sa généralité. Pourquoi la substance grise, inexcitable dans la moelle, cesserait-elle de l’être au cerveau ? De fait, on ne voit pas pourquoi cette différence existerait, a priori. A posteriori, les argumens invoqués ne sont pas décisifs, vu leur petit nombre. On peut bien invoquer l’expérience de Braun citée plus haut ; mais la validité peut en être contestée. Les expériences de Ch. Richet, de Putnam, de Franck et de Pitres plaident dans le sens de l’excitation de la substance grise, mais une preuve concluante fait encore défaut. C’est donc plutôt par sentiment que par raisonnement que cette excitabilité est admise : aussi nombre de physiologistes, plutôt que d’admettre ce fait, en contradiction avec nos connaissances déjà acquises, pensent-ils que, lorsqu’on excite l’écorce cérébrale, ce sont les fibres blanches qui en naissent, et non les cellules grises originelles, qui sont électrisées. Les cellules ne seraient excitables que par la seule volonté : à la théorie des centres moteurs ils substituent celle des centres psycho-moteurs. Cette manière de tourner la difficulté, en mettant d’accord les faits nouveaux avec les connaissances déjà acquises et indiscutables que nous possédons sur la physiologie de la substance grise, a réuni un certain nombre d’adeptes parmi lesquels nous citerons M. Vulpian, l’éminent doyen de la faculté de médecine. Réservant la discussion pour son temps et lieu, disons tout de suite que l’on peut fort bien adopter cette théorie, qui ne fait que modifier l’interprétation des expériences que nous allons citer, sans rien enlever à leur intérêt ni à leur importance. Admettons donc que, là où l’on a cru exciter les cellules mêmes, on a excité les fibres qui en naissent ou y aboutissent : cela ne change rien aux résultats, étant donné le principe de l’énergie spécifique des nerfs qu’il suffira de rappeler pour dissiper toute hésitation.

Toute excitation, quelle qu’en soit la nature ou l’origine, agit sur un nerf selon les fonctions de celui-ci. Excitez un nerf moteur sur son trajet, il se produit un mouvement. Excitez un nerf sensitif, et le sujet ressentira une sensation. Selon la nature