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Examinons donc de quelle façon elle a pris naissance et sur quels faits elle s’appuie.

L’on a toujours et partout admis que le cerveau est l’organe de la pensée et de la volonté ; si l’on a parfois cru que le cœur est le siège du sentiment, par suite de l’influence très réelle et très sérieuse qu’exercent nos passions sur le fonctionnement de ce muscle, cette théorie n’a jamais eu qu’une vogue passagère, et le cerveau a été définitivement proclamé la base anatomique de l’âme. Voilà une affirmation bien vague et qui ne préjuge en rien des fonctions spéciales des diverses parties de cet organe si compliqué. Force a cependant été de s’en contenter pendant longues années. Avec le temps toutefois la lumière s’est faite dans une certaine mesure, mais la masse centrale était l’objectif principal et on laissait de côté les circonvolutions. Hippocrate ne voyait en celles-ci qu’une glande ; Malpighi et Vieussens pensèrent de même. Ruysch, frappé de leur vascularité, les considéra comme un simple lacis sanguin ; Boerhaave et Haller adoptèrent cette conclusion. Vicq d’Azyr fut le premier à examiner leur structure ; depuis sont venus Baillarger, Ehrenberg, Purkinje, Meynert, Luys, Betz et Charcot, qui l’ont fait connaître d’une façon précise. Voilà pour l’anatomie. En ce qui concerne la physiologie, l’on sut, par Gall, que l’intelligence est une fonction des circonvolutions ; Desmoulins y ajouta qu’elle est en raison directe de leur nombre et de leur profondeur, ce qu’Érasistrate semble avoir admis dans l’antiquité ; enfin, de nos jours, Broca, reprenant les idées et les faits de Dax et de Bouillaud, et y ajoutant les siens propres, leur a fait proclamer la première localisation connue : celle du langage articulé dans la troisième circonvolution frontale gauche.

En 1870, deux savans allemands, Fritsch et Hitzig, faisant passer un courant électrique à travers la tête, en arrière des oreilles, sur le vivant, s’aperçurent qu’il déterminait des mouvemens des yeux. Ils pensèrent que ce mouvement pouvait être dû à une excitation de la substance grise périphérique des circonvolutions, et se mirent en devoir de vérifier l’exactitude de leur hypothèse. Expérience faite, ils émirent trois propositions fondamentales qui renferment ce qu’il y a d’essentiel dans leur théorie[1]. La première, c’est qu’il y a dans le cerveau des circonvolutions qui peuvent être excitées par l’électricité, et que cette excitation est suivie de la production de mouvemens déterminés selon le point qui est excité ; d’autres parties peuvent être excitées sans qu’il se produise de mouvemens. La seconde, c’est que les points où l’on détermine la mise en action

  1. Archiv für Anatomie, avril 1870.