Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait présenté par déférence pour M. Bright. La vaccine est obligatoire en Angleterre, et cette obligation a pour sanction des amendes dont le chiffre croît avec le délai que les parens mettent à se conformer à la loi. M. Bright voit dans cette obligation une atteinte à la liberté individuelle et, sur ses instances, un bill avait été présenté qui rendait l’amende fixe et uniforme. Il en serait résulté que, moyennant le paiement d’une somme insignifiante, les esprits mal faits ou à préjugés auraient acquis le droit de ne pas faire vacciner leurs enfans. C’était, comme le dit énergiquement un orateur, la liberté de la contagion. Le gouvernement renonça à faire voter une mesure aussi mal accueillie par l’opinion. Il dut également abandonner ou mutiler, pour en obtenir l’adoption, un certain nombre de mesures d’une importance secondaire. Le résultat de la session eût donc fait médiocrement honneur au nouveau ministère, si M. Gladstone n’avait relevé le prestige du cabinet par une de ces heureuses audaces en finances dont il a le secret.

Le budget des recettes avait été voté avant la dissolution ; on s’attendait d’autant moins à un budget supplémentaire que le discours royal avait rendu justice à la modération avec laquelle les recettes du trésor avaient été évaluées par le précédent cabinet et avait constaté avec regret qu’elles ne s’amélioraient pas ; mais des négociations avaient été ouvertes avec la France pour le renouvellement du traité de commerce, et le gouvernement français avait posé comme condition préalable une réduction des droits établis par l’Angleterre sur les vins. M. Gladstone fut donc obligé de demander à la chambre la faculté d’abaisser éventuellement à 6 pence par gallon le droit sur les vins légers. Il en devait résulter un déficit qu’il semblait facile de combler par une légère augmentation d’une des taxes existantes. A la surprise générale, M. Gladstone proposa d’accroître encore le déficit probable par la suppression complète de l’impôt sur la drèche, cet impôt contre lequel les agriculteurs n’avaient cessé de protester depuis l’abolition des droits protecteurs, cet impôt que les financiers conservateurs avaient eux-mêmes renoncé à supprimer ou à réduire à cause du produit considérable qu’il donnait, et dont il avait vingt fois combattu la diminution ou la transformation. La suppression de l’impôt ne tarissait pas seulement une source de revenu ; elle entraînait la restitution des droits déjà perçus sur les drèches non encore employées, et les remboursemens à faire étaient évalués à 25 millions. Pour trouver ’une compensation aux recettes qu’il sacrifiait, M. Gladstone élevait la patente à laquelle les débits de boissons sont soumis ; il établissait sur la bière en cours de fabrication un droit proportionnel à la force alcoolique du brassin ; enfin, pour se mettre à l’abri de tout mécompte, il augmentait d’un penny