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la fois les propriétaires qui figuraient dans les rangs du parti conservateur et les fermiers dont l’appui leur était nécessaire dans les élections. Sir Stafford Northcote combattit la mesure du gouvernement de façon à faire croire qu’il regrettait de n’en avoir pas pris l’initiative avant de tomber du pouvoir. Il en accepta pleinement le principe, se bornant à critiquer les détails et à exprimer le regret qu’on n’eût pu trouver le moyen de donner satisfaction aux fermiers sans toucher à la liberté des contrats. C’était là l’objection, médiocrement sérieuse, sur laquelle on insistait surtout. Le bill, en concédant au fermier et à ses représentans le droit de détruire le gibier à poil, déclarait ce droit inaliénable : la renonciation à ce droit ne pouvait donc être introduite dans aucun bail, et le propriétaire ne pouvait pas racheter, même contre argent, le privilège exclusif qui lui était retiré. La plupart des amendemens tendirent à faire disparaître du bill cette inaliénabilité, sans laquelle il fût demeuré une lettre morte. On demandait, au moins, que la faculté de chasser fut limitée au fermier seul, afin de ne pas multiplier le nombre des personnes qui auraient droit de faire usage des armes à feu, ce qui pourrait devenir un danger pour la paix publique. Les radicaux, au contraire, se plaçaient pour critiquer le bill à un point de vue tout opposé : ils ont inscrit dans leur programme l’abrogation complète de la législation sur la chasse, et ils déclaraient la mesure ministérielle tout à fait insuffisante. Elle fut votée, néanmoins, à une majorité considérable, grâce à l’appui que lui donnèrent la plupart des députés conservateurs.

Serait-elle acceptée par la chambre des lords, composée presque exclusivement de grands propriétaires ? On put en douter lorsqu’au jour fixé pour la seconde lecture on vit l’affluence des pairs venus pour assister à la discussion et dont la plupart annonçaient l’intention d’émettre un vote hostile. Lord Beaconsfield s’interposa, et son intervention fut fort remarquée. Lord Redesdale, qui est président des comités de la chambre haute et qui, à ce titre, exerce une grande influence sur ses collègues, venait de proposer le rejet du bill. Lord Beaconsfield prit immédiatement la parole : il ne contesta ni la restriction qui était apportée à la liberté des transactions, ni l’inconvénient de mettre des armes aux mains d’un si grand nombre de personnes, parmi lesquelles pourraient se trouver des braconniers et autres gens dangereux ; mais il soutint avec une grande force que les enquêtes qui avaient eu lieu avaient établi l’importance des dégâts causés aux récoltes par le gibier à poil et la nécessité d’y apporter remède. On pouvait, en révisant les détails du bill, chercher à faire disparaître quelques-uns des inconvéniens qu’il pouvait présenter ; mais il fallait que la mesure fût votée. Dans les termes les plus pressans et les plus énergiques, lord