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commissaires donnèrent aux deux chambres réunies lecture du discours royal qui faisait connaître les intentions « et les projets du nouveau cabinet. Ce programme, attendu avec une ardente curiosité, parut un peu maigre : il ne justifiait point les appréhensions qui s’étaient emparées d’une partie de la bourgeoisie : il ne répondait pas à toutes les espérances des radicaux. Les ministres arguaient de la brièveté inévitable de la session, que les usages parlementaires ne permettent pas de prolonger au-delà du 15 août, pour s’en tenir à l’annonce d’un petit nombre de mesures. Ils se bornaient donc à acquitter ce qu’on peut appeler leurs dettes électorales.

Les mesures d’exception appliquées à l’Irlande par tous les gouvernemens ont toujours été un des principaux griefs de la députation irlandaise. Le cabinet ne pouvait méconnaître l’assistance efficace qui avait été donnée aux candidats libéraux par les comités irlandais organisés dans toutes les grandes villes et dans tous les centres manufacturiers. Aussi le discours royal, tout en déclarant que le gouvernement était « déterminé à remplir l’obligation sacrée d’assurer la sécurité de la vie et de la propriété, » annonçait-il qu’on ne demanderait pas au parlement de renouveler les pouvoirs exceptionnels conférés au vice-roi d’Irlande par « l’acte pour le maintien de la paix publique » qui expirait le 30 juin 1880. Le gouvernement exprimait la confiance de pouvoir assurer la tranquillité publique par une ferme application de la législation ordinaire. On faisait envisager comme possible la présentation de mesures destinées à accroître les moyens déjà mis à la disposition du gouvernement pour soulager la détresse des paysans irlandais ; mais les termes employés par le discours royal étaient assez vagues pour revêtir le caractère d’une promesse conditionnelle, d’une sorte de récompense pour le cas où la sagesse des populations irlandaises justifierait la confiance du gouvernement. Une mesure plus grave était annoncée : c’était un bill destiné à étendre aux bourgs d’Irlande la législation électorale qui régit les bourgs d’Angleterre. En accroissant notablement le nombre des électeurs, l’effet inévitable de ce bill devait être de rendre les autonomistes maîtres absolus des élections dans tous les bourgs et de faire perdre ainsi un certain nombre de sièges non-seulement aux conservateurs, mais aux libéraux eux-mêmes. C’était donc aux dépens de quelques-uns de ses propres amis que le ministère se proposait d’acquitter le prix de sa victoire. Aussi se borna-t-il à une simple démonstration de bon vouloir : il s’autorisa du nombre de séances absorbées par d’autres débats pour ajourner à la session prochaine la mise en délibération du bill annoncé dans le discours royal.

L’ardeur excessive avec laquelle le clergé dissident avait soutenu les candidats libéraux pendant la lutte électorale devait recevoir