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complète ; cette fois, ce ne fut pas un simple candidat libéral qui échoua, ce fut un membre de l’administration, le lord-avocat, qui était en quête d’un siège depuis sa nomination. L’incident de cette nature qui produisit l’impression la plus vive fut l’échec de sir William Harcourt à Oxford. Obligé de se soumettre à la réélection, le nouveau ministre de l’intérieur fut battu, après une lutte des plus vives, par son ancien compétiteur, M. Hall, qui ne craignit pas de rentrer en lice ; il fallut, pour, que le ministre pût conserver son portefeuille, chercher un collège où le succès d’un candidat libéral ne fût pas douteux et dont le titulaire consentît à se démettre. Ce fut un des deux députés de la ville de Derby, M. Plimsol, qui accomplit spontanément cet acte de dévoûment. Il annonça sa détermination à ses électeurs, qui ne laissèrent pas d’en être surpris, en leur déclarant qu’ayant consacré tous ses efforts à défendre les intérêts des matelots de la marine marchande, il croyait mieux servir la cause qui lui était chère en étant utile au gouvernement libéral qu’en continuant à siéger à la chambre des communes. Ces faits appelèrent l’attention des journaux du continent, et la presse autrichienne, peu bienveillante pour M. Gladstone, fit remarquer que cette succession de petits échecs était loin d’ajouter au prestige du nouveau cabinet et ne semblait pas lui promettre une longue existence. De nouveaux incidens vinrent fortifier cette impression : un certain nombre d’élections furent déférées pour faits de corruption et de fraude au tribunal spécial constitué pour prononcer en ces matières, et le relevé des élections annulées établit que, parmi les députés renvoyés devant les électeurs, la proportion était de trois libéraux pour un conservateur, ce qui permettait à l’opposition de dire que les prétendus réformateurs des institutions anglaises étaient moins rigides dans leur conduite que dans leurs discours. Parmi les pièces produites dans l’enquête ouverte sur une élection contestée, se trouva une circulaire émanée du comité central établi à Londres par les libéraux et les radicaux coalisés et adressée aux comités de province. Cette circulaire contenait des instructions confidentielles sur les démarches que l’on pouvait faire auprès des électeurs et sur les moyens d’action que l’on pouvait employer sans s’exposer à faire invalider une élection. Ce document curieux, au bas duquel était la signature de deux des nouveaux ministres, sir William Harcourt et M. Chamberlain, fut frappé du blâme le plus sévère par le président du tribunal électoral, le juge Lush, qui, en formulant un arrêt d’annulation, déclara qu’il était impossible de donner plus manifestement le conseil de tourner la loi et d’indiquer avec plus de clarté les moyens d’en éluder les dispositions protectrices. Cette décision fit grand bruit, et plusieurs des orateurs de l’opposition se firent un malin