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la terre promise et qui certainement nous aidera à nous y fixer[1]. Cette espérance me donne le droit de m’abandonner à la joie, le droit de reprendre haleine » de me rafraîchir dans le repos, L’ostracisme qui me frappe me sauve dans ce que j’ai de plus cher (sic)… Vous savez qu’un voyager à l’étranger est depuis longtemps l’objet de mes désirs. Il est pénible naturellement de quitter sa patrie dans un moment aussi difficile, mais des événemens indépendans de ma volonté ont tout arrangé ainsi.

« Malgré tous nos efforts, il n’y a pas eu possibilité d’écarter les récompenses pour les membres des commissions de rédaction… Pour l’amour de Dieu, n’ajoutez, pas au triomphe du parti réactionnaire, qui profiterait de toute démonstration de votre part[2] pour nuire à notre œuvre. La grande-duchesse Hélène est triste et souffrante. Elle ne partira point pour les eaux avant juin. S., S. Lanskoï va aussi à l’étranger pour six mois. Je vous serre la main avec force ; soyez bien portant et heureux. Tout à vous. »

« NICOLAS MILUTINE. »


Et dans un post-scriptum il mentionnait avec une sincère reconnaissance le bienveillant accueil du souverain en le congédiant.

« L’empereur m’a fait ses adieux de la façon la plu » aimable. Il m’a remercié et embrassé à plusieurs reprises. Je vous envoie le premier fascicule de notre recueil ; le numéro II est sous presse, V. m’a promis de continuer cette publication[3] : il est avec moi dans les termes les plus amicaux… »

Les deux amis de Milutine n’étaient pas plus que lui hommes à se laisser abattre par un tel coup. Comme Nicolas Alexèiévitch, quoique avec diverses nuances de caractère, c’étaient des esprits bien trempés, convaincus et pleins de foi dans leur œuvre. Moins d’un mois après la chute de Milutine et avant même d’avoir reçu la lettre de Nicolas Alexèiévitch, le prince Tcherkasski lui exprimait en ces termes son opinion sur le changement de ministre.

Le prince V. Tcherkasski à N. Milutine.


« Toula, 7 mai 1861.

«… Je m’attendais à une réaction ; elle était inévitable, et je suis heureux de ce qu’elle n’ait éclaté qu’après la nomination des

  1. Ce dernier passage a été imprimé avec quelques variantes ou quelques altérations dans le Rouskaiia Starina (février 1880.)
  2. N. Milutine semble songer ici aux décorations auxquelles il fait allusion dans la phrase précédente et que Samarine devait en effet renvoyer.
  3. Il s’agit d’un recueil concernant les travaux des commissions de rédaction.