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toujours puissans à la cour ; avaient fait de Milutine leur bouc émissaire. Ses plus hauts protecteurs, le grand-duc Constantin comme la grande-duchesse Hélène, ne réussirent point à le faire confirmer dans ce poste secondaire d’adjoint du ministre, manifestement inférieur à son influence réelle comme à son mérite.

Milutine lui-même était peu disposé à accepter une confirmation aussi tardive. Les veilles et les tracas que, durant les deux dernières années, lui avait coûté l’émancipation avaient singulièrement altéré sa santé ; il sentait impérieusement le besoin de repos et désirait un congé illimité. Ce dessein contrariait singulièrement ceux qui, avec le grand-duc Constantin, considéraient l’émancipation comme l’inauguration d’un nouveau régime et désiraient ouvrir sans retard la série des réformes indispensables. Le fait est que, la charte du 19 février ayant modifié radicalement l’administration des campagnes, il semblait urgent de remanier en même temps toute l’administration locale. Aussi, dès le 21 février 1861, le surlendemain du jour où avait été proclamée la charte d’affranchissement, le grand-duc Constantin faisait demander l’avis de N. Milutine sur plusieurs points de l’administration provinciale et l’engageait à ne pas quitter le ministère, tout en lui reprochant de fournir par la liberté de son langage des armes à ses adversaires.


Lettre de M, G… à N. Milutine,


« 21 février 1861.

« Très honoré Nicolas Alexéiévitch, j’ai eu un long entretien avec le grand-duc et il m’a chargé 1°……… 2°………… 3° de vous informer qu’il a beaucoup pensé à votre situation personnelle et qu’il est arrivé à la conviction que des changemens de personnes au ministère de l’intérieur seraient en ce moment hors de saison, que dans votre propre intérêt vous devez rester dans vos fonctions actuelles, d’adjoint du ministre………… et 4° de vous dire en toute sincérité que la connaissance personnelle de Son Altesse avec vous lui a laissé l’impression que, par rapport aux personnes, vous agissiez souvent sous l’influence de préventions, supposant en elles plus de mal qu’il n’y en a réellement ; que vous vous exprimiez avec trop peu de bienveillance (selon ce qu’on rapporte naturellement) et que vous excitiez par là contre vous-même une malveillance qui vous fait du tort et qui sans cela n’existerait pas du tout. Comme exemple il a cité Panine et