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résultat, lui livreront deux cents volumes. Quand les originaux commencent à manquer, le « père de la patrie » écrit au pontife pour lui emprunter les auteurs, inédits encore, qui sont en sa possession, et Nicolas V, de sa propre main, copie la liste des œuvres qu’il lui envoie par l’entremise d’un ambassadeur spécial. Ce n’est point une faveur spéciale qu’il fait au vieux Cosme ; déjà Montefeltro, pour Urbin, et Sforza, pour Pesaro, lui ont demandé le même service, et, avec la même sollicitude, le pape a choisi les originaux en en dressant aussi la liste. C’est que celui qui porte alors la tiare sous le nom de Nicolas V n’est autre que le savant Thomas de Sarzane, autrefois moine de ce couvent de Saint-Marc-de-Florence dont Savonarole sera plus tard le prieur ; il a été élevé dans le culte des lettres à l’école de ce fameux Niccolo Niccoli, qui, au XIVe siècle et dans les premiers temps du XVe a le plus fait pour les lettres et la diffusion des manuscrits.

Fils de marchand, marchand lui-même, Niccolo était Florentin. A la mort de son père, l’amour des lettres le détourne du négoce, et il se met sous la direction de Chrysoloras et de Marfigli ; il n’a plus dès lors qu’un souci : la découverte des nouveaux textes et la correction des anciens, corrompus peu à peu en passant par les mains de copistes non lettrés. L’hellénisme lui devra beaucoup, et il pourra revendiquer la formation des bibliothèques les plus célèbres d’alors. Peu à peu il a formé, à prix d’or, une riche collection personnelle ; il a déjà huit cents manuscrits ; il ouvre une école, mais, ruiné bientôt par la passion qui le possède tout entier et ne renouvelant plus ses ressources par l’échange, il sera réduit à se faire copiste. Cosme le Vieux l’attache alors à son service, il est son pensionnaire. Comme il connaît les textes, il a aussi créé des relations dans tous les centres d’où on tire les manuscrits : il voyagera donc pour le compte de Médicis. Avec la connaissance accomplie de son sujet, il a ce flair particulier qui dépiste les faussaires déjà très nombreux, et il va découvrir des raretés sans prix et des inédits dont la publication fera sensation dans le monde des lettrés. On lui doit tout le Complément d’Ammien Marcellin, celui du de Oratore de Cicéron, et le Pline célèbre du couvent de Lubecca. Quand il meurt, il stipule dans son testament que sa bibliothèque sera rendue publique et désigne seize exécuteurs chargés de réaliser son vœu. Mais les dettes contractées sont si nombreuses que Cosme de Médicis et Laurent, son petit-fils, doivent prendre les livres en gage et payer 6,000 florins d’or pour désintéresser les créanciers afin de dégager la succession. Avec une libéralité digne de leur nom, les Médicis accomplissent alors le vœu de Niccolo Niccoli et choisissent le couvent de Saint-Marc pour y installer la bibliothèque. C’est le fonds de manuscrits autour duquel les Médicis grouperont