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se disputent leurs professeurs ; on met les capacités aux enchères. Un professeur reçoit mille ducats à l’année, somme invraisemblable pour le temps, et le jour où Padoue et Venise veulent enlever à Pise le jurisconsulte Bartolommeo Soccini, la seigneurie de Florence, dépassée dans ses offres par le recteur de Padoue, exigé de Soccini une caution de 18,000 florins d’or s’il persiste à partir. S’il s’agit de retenir un médecin célébré » on lui assigne Une paie de 2,000 ducats d’or et on lui accorde le droit de libre pratique dans la ville et les environs.

Il faut alimenter tous ces centres d’instruction, ces universités et des écoles. L’imprimerie cependant ne sera découverte que cent années plus tard ; jusque-là les grands établissemens religieux ont suffi à la tâche, mais le génie laïque, plus dégagé, plus audacieux, moins asservi à des règles fixes et des formules surannées, prendra désormais toute initiative et élargira le cerclé d’action. Cosme a un atelier de copistes et de miniaturistes, il y a les scrittori, qui entendent le grec et qu’il faut payer cher ; au-dessous d’eux, les simples copistes, lettrés pauvres, calligraphes consciencieux, pour la plupart Allemands et Français. C’est un Français qui écrit la fameuse Bible d’Urbin, honneur de la bibliothèque Vaticane. Les Italiens, et parmi eux les Florentins, ont la spécialité des miniatures exquises et des gracieux enroulemens qui courent dans le texte. Jusqu’aux premières années du XVe siècle, les plus appliqués et les plus riches gardaient, sur une tablette, quelques manuscrits précieux achetés à grand prix ; on voyageait avec ses livres ; en guerre, les princes les plus vaillans, les condottieri et les grands capitaines, avaient toujours avec eux leur chancelier, leur camerlingue et leur secrétaire, chargé des bibles et manuscrits ; quand on séquestre un camp tout entier avec le matériel et les bagages, il y a toujours, parmi le butin, quelque riche proie pour un vainqueur lettré. Aux premiers jours du XVe siècle, la vie est plus fixe, déjà moins pleine d’aventures, malgré les grandes luttes et les invasions ; mais les seigneuries se sont fondées dans ce grand royaume lombard, qu’un capitaine d’aventure a su réformer à son profit et qui vient de se dissoudre au lendemain de sa mort ; d’autres aventuriers illustres, ses condottieri et ses connétables, viennent de se tailler de petites principautés : chacun de ces princes, en sa petite capitale, aura sa bibliothèque et souvent sa collection d’objets d’art. Quand Cosme le Vieux fonde l’abbaye de Fiesole, il appelle à lui Vespasiano, qui le détourne d’acheter, pour former le cabinet des manuscrits, ces copies fournies par les spaccialori, souvent pleines de fautes ou contenant de mauvaises leçons ; et il obtient l’autorisation d’organiser sur place un atelier de copistes et de miniaturistes. Il en embauche d’abord quarante-cinq, qui, pour premier