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Magnifique peuvent venir. Mais d’où qu’elle sorte, cette langue vulgaire, la Toscane se l’est appropriée et, contre l’avis même de Dante, Boccace a pu dire non sans vraisemblance : « L’italien n’est que le florentin perfectionné. »

Le même siècle qui voit naître la Divine Comédie fonde la littérature historique avec Ricordano Malespini, Dino Compagni, les deux Villani, et les Mémoires, avec Bonaccorso Pitti, ce singulier aventurier qui sera le père de Luca Pitti ; le chroniqueur Velluti, atteignant dans ses récits la fin du XIVe siècle, donne bientôt la main aux historiens qui écriront sur le vif les péripéties de la vie publique en Toscane ; les Leonardo Bruni, Ruccellaï, alterum Sallustium, Marcile Ficin, Machiavel, Politien, Pic de la Mirandole ; tous les hôtes de Careggi et les habitués des jardins Ruccellaï.

Il y eut une gradation constante dans le développement intellectuel depuis la fin du XIIIe siècle jusqu’aux derniers jours du XVe ; les circonstances furent plus ou moins propices, la liberté d’esprit plus ou moins complète, suivant que les événemens apportaient des préoccupations plus ou moins vives ; mais l’ardeur fut la même pour tous : en haut, pour créer et penser ; en bas, dans les couches sociales les plus humbles, pour admirer et jouir de ce bien-être de l’esprit. Il est certain que le populaire, par une pure intuition et par le seul effort d’un sentiment inné qui est un des privilèges de la race italienne, a pu suivre dans une certaine mesure l’impulsion donnée par les classes cultivées et se mettre à l’unisson. Le XVe siècle devait marquer l’apogée du mouvement dans toutes ses directions, et les premiers Médicis auront eu la gloire de le seconder avec une passion, une verve et une constance qui leur valut le privilège d’attacher leur nom à cette époque fortunée.


III

On s’imagine difficilement l’exaltation qui régna à Florence pendant toute cette période ; pour s’en faire une idée, il faut lire les chroniques du temps et grouper les traits épars çà et là dans les historiens qui peuvent mieux révéler ces palpitations généreuses. Pour qu’une époque comme la nôtre, où il y a bien de l’artificiel et de la convention, puisse les comprendre, il faut tenir compte d’une certaine propension des Italiens à l’enthousiasme et d’une chaleur de cœur que, dans certains momens décisifs, cette nation peut allier à une grande possession d’elle-même. Cette ardeur communicative, elle sut l’appliquer alors à la recherche de la science, à l’étude des lettres, à la glorification et au culte des arts, et l’excitation passagère, la fièvre momentanée, l’émotion profonde, mais passagère qu’excitent en nous la vue d’une œuvre de génie, le son