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qu’il le jugera nécessaire et aussi longtemps qu’il surveillera sa marche pour l’empêcher de dévier ; mais avant tout il l’assurera d’une forte vente, de souscriptions nombreuses, à des prix moins infimes que ceux d’aujourd’hui. Évidemment ce journal ne sera du goût d’aucun parti, puisqu’il les traitera tous impartialement, et la liberté de la presse n’existant pas, n’ayant jamais existé en Espagne, il aura mille traverses à subir de tous les gouvernans. Mais s’il est réellement soutenu par le public, la liberté de la presse ne peut qu’y gagner.

En effet, une campagne entreprise dans ce dessein, quand il s’agira de défendre un journal national, sera bien mieux définie et compréhensible à tous. Aujourd’hui les persécutions contre la presse n’intéressent que le parti persécuté ; le public demeure indifférent, parce qu’il les voit tous agir de même lorsqu’ils sont au pouvoir ; il ne saisit pas là dedans ce qui peut lui importer. Un journal qui serait sien lui démontrerait l’incomparable utilité d’une publicité constante, régulière, toujours en éveil, luttant sans relâche pour la justice et pour le droit ; il comprendrait la nécessité de mettre la presse pour l’avenir à l’abri des caprices autocratiques des divers gouvernemens. Ainsi les dangers de la presse nuisible et surtout de la presse clandestine seraient en partie annulés. L’appel à l’insurrection ne trouverait plus d’écho si la nation entière, étroitement unie avec la couronne, était éclairée par une feuille vraiment indépendante qui lui apprendrait que l’insurrection est un crime contre elle-même.

Il s’écoulera du temps avant que le public ait ce journal à lui et plus encore avant qu’il le reconnaisse pour tel. L’opinion ne doit pas attendre jusqu’alors, mais exiger dès maintenant les trois grandes réformes indiquées. Elle ne doit pas différer non plus de se prononcer pour une réforme immédiate dans l’administration des finances, en partant des données suivantes ; le budget vrai, la prohibition des crédits supplémentaires et des viremens, la publication immédiate des comptes, la responsabilité de tout le personnel. C’est l’unique moyen d’éviter que le gouffre où menacent de s’engloutir l’honneur et les restes de la prospérité du pays ne devienne encore plus profond. Il n’y a pas lieu de donner ici tout au long l’exposé des mesures financières. Signalons du moins ce principe important qu’il ne faut pas mépriser les réformes de détail et s’obstiner à les considérer comme un ensemble philosophique et indivisible ; il en est au contraire une foule qui pourront être introduites à l’instant sans étude préalable et qui, loin d’amener aucun trouble, produiront un bien sans mélange.

Il ne convient pas cependant que les détails fassent un seul