Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à toutes les manifestations de la culture intellectuelle, par le seul fait de montrer qu’il s’y intéresse, il peut aussi trouver dans cette économie rigide de tous les jours qui fit la force de la maison de Prusse assez de ressources pour accomplir des œuvres d’utilité nationale dont la grandeur frapperait les esprits et commanderait le respect.

Ce ne sont donc pas les moyens de s’acquérir une autorité et un prestige parfaitement constitutionnels qui font défaut au roi. Le véritable danger est en sens contraire. Les Espagnols n’ont brisé l’antique despotisme monarchique que pour tomber sous un autre pire, le despotisme ministériel. L’habitude de la soumission les empêcherait également d’apercevoir le retour du despotisme royal et ils n’auraient fait que changer de maître. Appuyer le roi et s’appuyer sur lui pour reconquérir la libre disposition de ses libertés, voilà le premier besoin de la nation ; mais dès qu’elle l’aura obtenue, il lui faut veiller constamment à ne plus s’en dessaisir. Il lui suffira de garder avec un soin jaloux les trois conquêtes dont nous allons parler, indispensables pour triompher de la féodalité des politiques : justice efficace, administration régulière, et pureté des élections au parlement.

La réforme de la justice consiste en premier lieu à placer le pouvoir judiciaire au-dessus du pouvoir exécutif, auquel il est aujourd’hui indûment soumis, à rendre aux tribunaux leurs légitimes attributions, à abréger la procédure qui, maintenant secrète, écrite, inquisitoriale, doit devenir publique, orale et respectueuse envers l’innocence présumée de l’accusé. L’unification du code rencontre, il est vrai, une grave opposition de la part de quelques provinces attachées à leurs usages traditionnels. Qu’on laisse aux Catalans et aux Basques ces coutumes locales qui importent peu au reste de la nation et qu’on limite la réforme à la simplification indiquée. Pour cela il faut un code complété, car quelques parties sont suffisantes, fait par une commission bien payée et non par une commission honorifique ; il faut de plus une magistrature beaucoup mieux rétribuée, inamovible, mais responsable devant les hauts pouvoirs de l’état ; une police bien organisée ; la garde civile augmentée, demeurant toujours à son poste, sans pouvoir être mêlée aux événemens politiques ; des prisons gardant leurs prisonniers, ne leur permettant pas de tramer commodément de nouveaux crimes, et les rendant, s’il est possible, moralises à la sortie. Ces améliorations, et tout particulièrement celles qui portent sur les affaires civiles, exciteront le travail et les entreprises ; elles créeront d’autres manières de vivre que la bureaucratie ; ce sera le réveil économique et moral du pays. Quelques sacrifices pécuniaires que cela entraîne,