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même pas se couvrir de ray-grass, et, comme le dit la Note, « remplacer par de vertes et luxuriantes prairies les maigres bouquets de bois de la forêt de Saint-Germain. » Il y a là une impossibilité matérielle. Les matières organiques, suspendues en abondance dans l’eau d’égouts, s’arrêtent comme sur un filtre à la surface du sol ou dans la couche immédiatement inférieure. Elles constituent en peu de temps le feutrage auquel nous faisions allusion tout à l’heure. Ce feutrage, il n’est qu’un moyen de le détruire : c’est d’ameublir la terre par de fréquens labourages ; encore le remède risque-t-il de devenir inefficace lorsque peu à peu l’imperméabilisation gagne les couches inférieures. On voit tout de suite la conséquence. Une prairie ne se crée pas en quelques mois : il lui faut des années pour s’établir. Si l’on prétend récolter du foin à Saint-Germain, il faudra donc respecter l’imperméabilité, qui se produira d’autant plus vite que les herbes et les racines offrent un filtre plus serré : et alors où sera l’épuration ? Si au contraire on préfère prévenir le feutrage, il faudra labourer, labourer encore : et alors où seront les prairies ? Ici encore l’exemple d’Edimbourg, si souvent et si complaisamment cité, ne saurait avoir de portée. Edimbourg, en réalité, envoie ses eaux vannes à la mer, dont il n’est séparé que par 2 kilomètres de terrains en pente. Avant d’arriver à la mer, une partie de ces eaux amenées à l’air libre par une sorte de ruisseau, irrigue une soixantaine d’hectares de prairies, situées près rivage. Mais ces prairies en vérité n’épurent pas les eaux d’égouts d’Edimbourg, car elles n’en reçoivent qu’une partie et l’eau même qu’elles détournent ou bien coule à la surface même du pré, ou bien ne pénètre qu’à la faible profondeur de 0m,20 ou 0m,30, comme on peut s’en convaincre en voyant l’eau suinter de la banquette formée par la terre à la limite qu’atteignent les flots.

Donc le régulateur devenu dépotoir ne portera ni prairies ni cultures. Et ainsi, à supposer même que puisse être plus ou moins résolu le premier terme du problème, l’assainissement de la Seine, le second terme, l’utilisation des richesses agricoles contenues dans l’eau d’égouts, sera complètement sacrifié. Est-il donc impossible de les satisfaire également ? Nous sommes absolument persuadés du contraire.


III

Ce qui constitue la difficulté, c’est l’excès de l’eau dans laquelle est noyé l’engrais. C’est cet excès qui le rend impropre à la fécondation des céréales, lesquelles ne sont déjà que trop souvent compromises par la surabondance de l’eau du ciel, — les dernières années l’ont durement prouvé à nos agriculteurs. C’est cet