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Qu’on réduise le volume épuré par un hectare à 38,000, à 25,000 mètres cubes, il faudra 3,000 et 4,000 hectares.

« On voit clairement la différence qui existe entre les superficies nécessaires pour l’une et l’autre opération. Elles se distinguent encore sous d’autres rapports.

« L’épuration, sur une surface restreinte, assujettit à des conditions de distribution, de drainage, qu’il est assez malaisé de bien remplir. L’utilisation sur de larges surfaces en est presque exempte ; en effet, on peut, avec elle, choisir le temps et la dose des arrosages ; la culture des céréales et l’alternance deviennent possibles ; le drainage perd son importance quand on distribue seulement de 3 à 10,000 mètres cubes d’eau par hectare et par an, ce qui représente déjà 170 à 560 kilogrammes d’azote. Quand on utilise réellement les eaux d’égout, la culture est la grande affaire ; l’épuration se fait, en quelque sorte, sans qu’on y prenne garde. Quand on épure, l’épuration est presque tout, la culture n’a par elle-même qu’une importance bien secondaire ; en effet, 3 à 4,000 hectares peuvent-ils rendre le produit de 40 à 60,000, lors même qu’ils seraient uniquement consacrés à des cultures épuisantes et répétées comme celles des plantes potagères ? Il est clair que l’azote du pain, de la viande et des légumes que l’on consomme à Paris ne peut pas y retourner sous la forme unique de légumes. La véritable utilité de la culture dans l’épuration, c’est de décider les cultivateurs à prêter à l’entreprise leurs champs et leurs bras.

« Cette comparaison entre l’utilisation et l’épuration suffit pour montrer combien l’une est plus satisfaisante que l’autre. Ainsi l’ont compris les villes anglaises, qui ont choisi l’utilisation quand le choix leur a été possible. L’ouvrage de M. Ronna en cite un certain nombre, mais ce sont de petites villes. Quand une cité compte dix mille à vingt mille habitans et produit 1 à 2 millions de mètres cubes d’eau d’égouts, il lui faut de 100 à 200 hectares pour une utilisation agricole bien entendue. Cette superficie peut être achetée ou louée en un ou plusieurs lots dans les environs. Qu’on double, qu’on quadruple le nombre des habitans, il devient déjà difficile de trouver 400, 800 hectares, et quand la ville a de un à deux millions d’habitans, la difficulté prend de telles proportions, qu’on renonce à la vaincre. En fait, il n’y a pas une grande ville en Angleterre qui utilise réellement les eaux d’égouts. »

La citation est longue, mais nous n’avons pu nous résigner à la tronquer, tant elle nous paraît instructive. D’abord elle apporte la constatation scientifique, officielle, de la richesse fertilisante des eaux d’égouts et du prix qu’il faut attacher. Dix ou quinze millions de valeur annuelle, et la fécondation, par l’engrais, de 40 ou 60,000 hectares, ce n’est assurément pas chose à dédaigner.