Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle différence profonde la sépare de l’irrigation forcément variable et intermittente. Sans doute, s’il ne s’agit de traiter que des quantités d’eau limitées et seulement à certaines époques, l’irrigation peut en assurer l’épuration. Mais, dans un espace restreint, d’un bout de l’année à l’autre, et pour des quantités d’eau considérables, on peut dire qu’épuration et irrigation sont incompatibles. Ici encore du reste nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter à M. le directeur des travaux de Paris ses propres déclarations[1] :

« Pour utiliser les eaux d’égouts, il faut irriguer, et pour les épurer il faut encore irriguer. Les deux questions d’utilisation et d’épuration semblent, a priori, devoir être résolues par les mêmes procédés. Toutefois leurs solutions diffèrent en un point essentiel ; c’est que l’une exige dix à vingt fois plus de superficie que l’autre. En général, on ne tient pas suffisamment compte de cette différence, pourtant bien grande : on saisit mieux ce qu’il y a de commun entre les deux questions, on en vient à les confondre et finalement on applique à l’une des données pratiques qui appartiennent à l’autre. Pour éviter toute confusion, il faut séparer nettement les deux questions : il suffit pour cela de montrer combien elles diffèrent.

« Les agriculteurs savent maintenant que la restitution est la condition d’une production indéfinie : la loi naturelle veut que les principes fertilisans, contenus dans les débris des êtres organisés, retournent aux champs d’où ils sont sortis ; ceux que renferment les eaux d’égout doivent donc être restitués au sol par l’irrigation. Par leur quantité et leur valeur, ils méritent qu’on en tienne compte. « Les deux collecteurs rejettent en Seine, chaque année, 5,400,000 kilogrammes d’azote, représentant une valeur de 13 à 14 millions. Laissant de côté la potasse et les phosphates, pour ne considérer que l’azote, on calcule que ces 5,400,000 kilogrammes d’azote équivalent à 1,200,000,000 de kilogrammes de fumier de ferme au titre de 0,0045 d’azote, et représentent la fumure de 40,000 hectares, à raison de 30,000 kilogrammes par hectare et par an, ce qui dépasse de beaucoup la moyenne des fumures en France. Il faudrait au moins 60,000 hectares le jour où les égouts exporteraient à l’état vert, comme nous le proposons dans le troisième chapitre de cette Note, c’est-à-dire avant la fermentation en fosse qui les rend si infectes, toutes les déjections de Paris. Quelle est, d’autre part, la superficie nécessaire pour épurer les eaux d’égouts de Paris ? Le volume annuel est de 100 millions de mètres cubes. Si un hectare épure 50,000 mètres cubes, il faudra 2,000 hectares.

  1. Note, pages 95 et 96.