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proclament aujourd’hui encore plus haut que personne MM. les ingénieurs de la ville de Paris. C’était cette conviction qui en 1866 les poussait à s’engager résolument dans la voie des irrigations ; c’était à elle qu’ils obéissaient encore lorsqu’en 1875, réclamant énergiquement le droit d’arroser plus de 6,000 hectares, et déclarant ce vaste espace indispensable à leurs projets, ils montraient les terres décuplant de valeur sur le passage des conduites, et les « maigres bois » de la forêt Saint-Germain transformés en un potager colossal. Sans doute aujourd’hui, ils en sont dans le fond pénétrés encore, puisque, dans sa Note, M. le directeur des travaux de Paris, interprète éminent et plein d’autorité de la pensée de ses collègues, revient à maintes reprises sur les admirables résultats des irrigations de Gennevilliers au point de vue de la culture maraîchère ; puisqu’il établit que la valeur locative des terres dans cette partie de la presqu’île s’est élevée de 150 à 450 francs par hectare ; puisqu’il affirme ailleurs que, si l’on pouvait porter ainsi l’irrigation sur 16,000 hectares, on obtiendrait une augmentation de revenu de près de 5,000,000 de francs ; puisqu’il déclare formellement[1] qu’il ne « suffit pas que les eaux d’égouts soient épurées, » et « qu’il faut que les procédés d’épuration appliqués par les villes conservent ces richesses, » puisqu’enfin, pour repousser le projet d’un canal conduisant les eaux vannes à la mer, il ne trouve pas, après la grosse dépense, d’argument plus concluant que celui-ci : « Quel serait le résultat d’une semblable opération ? Le sol appauvri par la perte des matières fertilisantes contenues en si grande abondance dans les eaux d’égout[2]. »

Tel serait cependant aussi le véritable résultat du projet qu’on veut exécuter. Ce qu’on ferait dans les 1,500 hectares de l’ancien « régulateur, » ce ne serait plus de l’irrigation, ce serait de l’épuration toute simple, et ce n’est pas du tout la même chose.

L’irrigation n’a d’autre but que d’apporter au sol de l’humidité, si elle consiste en eau claire, ou de l’engrais si elle consiste en eau chargée de produits fertilisans. C’est en un mot une opération purement agricole. Il suit de là qu’elle doit être pratiquée par le cultivateur avec une pleine indépendance, et n’avoir d’autre règle que les besoins du sol et les exigences des récoltes. La quantité d’eau déversée sur la terre variera nécessairement avec les saisons, avec la nature du sol et des cultures. En certains temps de l’hiver, pendant les neiges, pendant les gelées, ou lorsqu’un excès d’eau du ciel sature déjà la terre comme il arrive trop souvent en toutes

  1. Note, page 136.
  2. Note, page 73.