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d’une platitude quelconque. Aujourd’hui je suis tout désorienté de m’apercevoir que ma bête ne s’embarrasse nullement de ma situation d’esprit, et se porte fort bien en dépit des douleurs morales. La double apothéose de Bismarck et de Napoléon III ne l’a pas fait maigrir d’une ligne, et le sénatus-consulte a glissé comme un boulet de coton sur mon épaisse carapace. Je vous avouerai que j’en suis quelque peu humilié.


A la même époque, il s’exprimait ainsi avec une de ses amies :


… Je ne parle pas du tout de politique, et je fais mon possible pour n’y point penser ; car je suis exaspéré de tout ce qui se passe depuis deux mois et ce qui peut en résulter de bon pour les Vénitiens ne me fait pas oublier le malheur du reste de l’Europe, de plus en plus placée sous les pieds de deux hommes comme Bismarck et Napoléon III. Le triomphe de ces deux misérables et leur consolidation seront, quoi qu’on fasse, une des époques les plus honteuses de l’histoire ; c’est un soufflet donné à la justice et à la vérité. Je ne puis perdre cela de vue et j’ai la folie d’en souffrir.


De Chambéry, s’adressant à quelqu’un qui lui demandait s’il aurait des chances aux prochaines élections, il répondait :


12 août 1866.

… Je suis un homme trop compromettant et trop compromis. J’ai su qu’on va mettre en avant un propriétaire de la localité, grand éleveur de cochons, et, du reste, un homme assez distingué, ancien député à Turin. Les cochons n’ayant pas de couleur politique, il a quelque chance d’être élu. Au reste, je regrette peu de ne pas entrer à la chambre dans les circonstances actuelles. Le sénatus-consulte rend la place beaucoup moins tenable encore qu’elle ne l’était, et je crois que je n’y paraîtrais que tout juste le temps de m’en faire exclure violemment, bien que ce ne soit peut-être pas la meilleure conduite à tenir. M. Lanjuinais, avec qui j’ai beaucoup causé de tout cela à Cauterets, est d’avis que l’on doit se barricader dans la constitution et qu’il y a moyen ainsi de leur rendre la vie très dure. C’est à étudier. J’ai trouvé aussi là-bas MM. de Metz et de Foblant, c’est-à-dire le comité de Nancy dans deux de ses meilleurs représentans. Je vous laisse à penser si nous avons été contens de l’apothéose de Bismarck.


Quelques jours auparavant, mécontent de la prépondérance