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en brèche. Presque inattaquable de ce côté, il évita de s’engager sur le terrain dangereux de la question religieuse. Il n’osa pas faire de l’émancipation catholique une question de cabinet. Il craignait de compromettre l’existence du cabinet et de fournir à ses ennemis l’occasion, toujours cherchée par eux, de se débarrasser de lui.

Il se contenta donc d’appuyer personnellement, en 1825, une motion de sir Francis Burdett en faveur des catholiques, motion qui, comme d’habitude, fut votée par la chambre des communes et rejetée par la chambre des lords. Il se flattait de l’espoir que, sa situation se fortifiant et les circonstances devenant plus favorables, il pourrait un jour mettre au service de la liberté religieuse le poids de l’influence gouvernementale. Les événemens semblèrent donner raison à ses prévisions. Le duc d’York, un des adversaires les plus acharnés de l’émancipation des catholiques, mourut au commencement de 1827. Après lui, l’héritier présomptif du trône se trouvait être le duc de Clarence, qui n’avait point de parti-pris dans la question. C’était un obstacle de moins. Peu après, lord Liverpool, malade et se sentant mortellement atteint, donna sa démission, Canning devint nominalement le chef du ministère qu’il dirigeait effectivement depuis cinq ans. Les chefs du vieux parti tory, Wellington, lord Eldon, Robert Peel, quittèrent le cabinet. Canning aurait voulu garder Robert Peel, dont il appréciait le talent et dont il estimait le caractère. Peel refusa de rester quand il apprit, de la bouche du premier ministre lui-même, que le moment lui paraissait venu de résoudre la question catholique.

La résolution de Canning, cette fois, était prise. Pouvait-il l’exécuter immédiatement ? On lui a reproché de n’avoir pas procédé de la sorte. Il aurait couru au-devant d’un échec, il ne dissimulait pas les difficultés qu’il allait rencontrer : la résistance de George IV, l’hostilité de la chambre des lords. Pour triompher de ces obstacles, il commença par fortifier son ministère. Il y fit entrer, non-seulement des amis personnels, comme Palmerston et Huskisson, mais des tories ralliés à sa politique, comme lord Lyndhurst, et des whigs disposés à faire alliance avec lui, comme lord Lansdowne et Tierney. Décidé à modifier la politique gouvernementale, il lui fallait déplacer l’axe de la majorité dans la chambre des communes et regagner d’un côté ce qu’il perdait de l’autre. Tous ces arrangemens, qui ne se firent pas sans beaucoup de tiraillemens, le conduisirent jusqu’à la prorogation du parlement, qui eut lieu le 2 juillet. Canning était malade depuis le commencement de la session. Il lui avait fallu de suprêmes efforts de volonté pour diriger jusqu’au dernier jour les débats de la chambre des communes. Le chef d’une des grandes familles du parti whig, le duc de Devonshire, lui offrit de venir prendre quelques jours de repos dans sa