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l’insurrection. Une autre loi, votée pour sept ans, apportait des restrictions à la fabrication et à la vente des armes à feu. Armé de ces pouvoirs extraordinaires, Wellesley réprima énergiquement les désordres. Près de quatre cents personnes furent traduites devant une commission spéciale instituée à Cork. Vingt-cinq condamnations à mort furent prononcées. Plusieurs exécutions eurent lieu. L’ordre se rétablit peu à peu. Les crimes contre les personnes et les propriétés, sans cesser complètement, devinrent plus rares. Cependant d’autres calamités étaient à la veille d’atteindre l’Irlande. Les désordres provoqués par l’association des Whiteboys avaient apporté sur plusieurs points des obstacles aux travaux agricoles et réduit dans une certaine proportion la surface des terres cultivées. Pour comble de malheur, l’automne de 1821 fut exceptionnellement humide, et dans beaucoup de parties de l’Irlande la pomme de terre pourrit au lieu de mûrir. Il en résulta que, dans les premiers mois de 1822, le prix de cette denrée, qui forme la base de la nourriture des Irlandais de la classe inférieure, s’éleva dans la proportion de un à quatre. Les paysans mouraient littéralement de faim. Les classes moyennes étaient atteintes par le non-paiement des fermages. Les deux tiers de la population dans les villes, les cinq sixièmes dans les campagnes, étaient réduits à la mendicité. Cette épouvantable misère engendra d’épouvantables maladies. La population fut décimée par le typhus. Tous les maux s’abattaient à la fois sur ce malheureux pays.

L’Angleterre s’émut au spectacle de tant de détresse. Les souffrances de 1822 firent oublier les crimes de 1821. On cessa de penser aux Whiteboys et à leurs attentats ; on ne songea plus qu’à secourir les malheureux qui mouraient sans asile, sans vêtemens et sans pain. La première manifestation de ce sentiment de charité, cependant, ne fut pas heureuse. L’aristocratie de Londres organisa au profit des Irlandais un bal qui produisit, tout compte fait, 3,500 livres sterling. Danser pour secourir les affamés, dépenser 1 ou 2 millions en toilettes pour distribuer en aumônes une centaine de mille francs, c’était une idée maladroite qui aboutissait à un résultat dérisoire. Le bal avait donné lieu d’ailleurs, comme il n’arrive que trop souvent, à de regrettables démêlés entre les dames patronnesses. Heureusement on eut recours à des moyens d’action plus sérieux et plus efficaces. Une souscription publique, rapidement couverte, produisit 6,250,000 francs. Une somme égale, votée par les chambres, fut mise à la disposition du vice-roi pour être consacrée à des travaux publics. Les bras inoccupés furent employés ; les bouches vides furent nourries. Le ciel à son tour se montra plus clément. La récolte fut passable, et la pomme de terre revint à son prix normal.