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avocat et il était entré à la chambre des communes. Là il fut très heureux de rencontrer la bienveillance de Pitt, qui le fit arriver au poste fort envié de speaker ou président de la chambre des communes. Il est rare, en Angleterre, que le président de la chambre devienne ministre. Cependant le prédécesseur d’Addington, Grenville, était entré dans le cabinet de Pitt, d’abord comme secrétaire d’état de l’intérieur, puis comme ministre des affaires étrangères. Si Grenville n’était pas un homme de premier ordre, Addington était plus médiocre encore. Aussi son arrivée au ministère provoqua-t-elle une surprise générale. Le hasard avait voulu qu’il fût président de la chambre au moment de la crise ministérielle et qu’il fût mêlé aux incidens de cette crise. L’amitié de Pitt avait fait le reste.

Le bruit de la démission du ministère se répandit immédiatement dans les cercles politiques et dans la Cité. L’émotion fut très vive. Les fonds publics baissèrent brusquement de 5 pour 100, pour se relever ensuite, mais sans cependant reprendre leur ancien niveau. Cette crise ministérielle, survenant d’une manière si imprévue, était l’objet de toute sorte de commentaires. On ne voit pas souvent un premier ministre, à la tête d’une majorité incontestée et en pleine possession de la faveur de la couronne, abandonner volontairement le pouvoir. Pitt voulut mettre un terme aux interprétations diverses que l’on donnait de sa conduite. Dans la séance du 16 février, il fit connaître lui-même à la chambre des communes le motif si honorable de sa retraite. Il ne parvint pas à convaincre tout le monde. Aujourd’hui, après quatre-vingts ans écoulés, en présence des mémoires de tous les hommes d’état contemporains, en présence de la correspondance échangée entre George III et son premier ministre, l’histoire doit rendre à Pitt la justice qui lui est due et reconnaître que la vraie, l’unique cause de sa démission fut l’absurde résistance opposée par le roi à l’émancipation des catholiques.

Un incident pénible retarda de quelques semaines la formation du nouveau cabinet. La faible tête de George III ne résista pas à l’ébranlement que lui avait causé la crise ministérielle. Une attaque de folie se déclara le 21 février. Heureusement elle fut beaucoup moins longue que celle de 1788, qui avait failli nécessiter l’établissement d’une régence. Dès les premiers jours de mars, George III rentra en possession de ses très médiocres facultés intellectuelles. En retrouvant la mémoire, il se plaignit amèrement de Pitt, qu’il accusa d’avoir été la cause de son accès de démence. L’accusation était fort injuste ; cependant elle fit impression sur le ministre démissionnaire. Pour calmer l’agitation du roi et probablement aussi pour ne pas se fermer à tout jamais l’entrée du pouvoir, Pitt eut la