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être indéfiniment ajournée, si à la tête de cette sorte de tribunal d’appel l’empereur n’eût placé son frère, le grand-duc Constantin, prince favorable à la réforme et admirateur du travail de Milutine et de ses amis. Voici en quels termes la grande-duchesse Hélène faisait annoncer cette nouvelle à Milutine par une de ses demoiselles d’honneur, Edith de R. :

« Je suis chargée de vous annoncer une bonne nouvelle secrète encore, c’est que le grand-duc Constantin est nommé président du grand comité et qu’à son retour l’empereur présidera lui-même. Avais-je raison ce matin de croire à une providence spéciale pour la Russie et pour vous tous ? — Mille amitiés[1]. »

Quelques jours plus tard, la grande-duchesse écrivait elle-même à propos du même sujet à Nicolas Alexèiévitch, alors souffrant à la suite d’excès de travail[2] :


« 14 octobre 1860.

« J’ai dit au grand-duc Constantin que la discrétion seule vous empêchait de vous présenter chez lui pour le remercier de l’intérêt qu’il vous avait témoigné pendant votre maladie. — « Je le ferai venir, dit-il avec beaucoup d’aménité, je dois et veux le voir ; si je ne l’ai pas fait encore, c’est que je voulais parcourir les pologenia (statuts) afin de pouvoir les discuter. Je les ai lus à présent, c’est un monument qui à jamais ferale plus grand honneur à la commission, de quelque opinion qu’on puisse être. » — « Le grand-duc est indigné du procédé de Panine envers vous tous. Je l’ai vu ce matin (Panine) et je lui ai dit mon opinion là-dessus. Il répond par de mauvaises raisons. »

Quinze jours plus tard, l’empereur en personne remerciait solennellement la commission de rédaction « de l’immense travail accompli par ses membres, » sans lui dissimuler pourtant « que, toute œuvre humaine étant imparfaite, il faudrait peut-être faire quelques changemens à la sienne[3]. » On en fit en effet plus d’un ; le parti des propriétaires parvint à introduire quelques amendemens qui, sans être tous heureux, apportèrent de nouvelles lenteurs. Aux derniers jours de janvier 1861, on en était enfin à la rédaction du manifeste impérial, et le grand-duc Constantin en faisait demander

  1. Lettre en français du 8 octobre 1860, signée R.
  2. Lettre écrite en français comme presque toutes celles de la grande duchesse Hélène.
  3. Discours inédit prononcé le 1er novembre 1860.