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condamnation des casuistes, et c’est Bossuet qui fut chargé de la dresser. On trouve dans ses œuvres le projet de censure tout rédigé, en latin, suivi de l’exposé des doctrines que l’assemblée voulait opposer à celles qu’elle condamnait. La Lettre de Bossuet déjà citée montre que l’assemblée se proposait de demander au pape la confirmation de ses censures par un jugement solennel. Le crédit des jésuites réussit encore cette fois à tout arrêter par la brusque séparation de l’assemblée ; mais ce dernier effort épuisa leur force de résistance, et le terme vint où les sentimens de mépris et d’indignation qui grossissaient tous les jours contre le jésuitisme trouvèrent enfin à se soulager.

C’est l’assemblée du clergé de 1700 qui porta aux jésuites le coup qui les menaçait depuis si longtemps, et ce fut encore par la main de Bossuet. Ils obtinrent seulement de la cour que les auteurs des propositions condamnées, la plupart jésuites, ne seraient pas nommés dans la censure. Plus de cent propositions de morale relâchée, déjà condamnées à Rome, furent frappées par cette censure ; mais les plus remarquables, je veux dire les plus choquantes, sont les mêmes qui, ayant été dénoncées depuis longtemps, étaient étalées tout le long des Provinciales, dans ce qu’elles avaient d’odieux ou de ridicule.

Voici le péché qui n’est plus péché, s’il est commis sans remords. (Lettre 4.)

Voici la doctrine de la probabilité et les fameuses opinions probables, à la fois si perfides et si risibles. (Lettre 5.)

Voici la proposition sur le vol domestique, qui devient innocent, s’il est employé comme moyen de compensation pour suppléer a des gages que celui qui vole a estimés insuffisans. (Lettre 6.)

Voici celle qui permet au fils de faire des vœux pour la mort de son père, pourvu que ce ne soit qu’en considération de l’héritage à recueillir ; — celle qui permet aux valets de rendre à leurs maîtres, sans péché, certains services peu honorables ; — celle qui autorise un homme, menacé par une dénonciation qui peut le perdre, à tuer le dénonciateur, et par-dessus le marché les témoins eux-mêmes, et aussi le juge, tout cela en sûreté de conscience ; — celle qui reconnaît à un religieux le droit de tuer l’homme qui le diffame ou qui diffame sa communauté. (Lettre 7.)

Voici celle qui prononce qu’un juge peut se faire payer pour juger par la partie en faveur de laquelle il décide, pourvu qu’il décide suivant le droit. (Lettre 8.)

Voici les restrictions mentales, avec leur réjouissante mécanique. — Voici le faux serment qui n’est plus un faux serment si on l’a prêté sans intention de le tenir. — Voici le calcul qui établit qu’on satisfait à l’obligation d’entendre la messe, quand on assiste à la