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Sans doute, dans cette grande industrie des chemins de fer, telle qu’elle est constituée, telle qu’elle s’est développée avec le temps, avec le concours des compagnies et de l’état, il peut y avoir, il y a sûrement bien des améliorations à réaliser, des extensions nouvelles de communications, des réductions de tarifs à poursuivre. Qu’on s’efforce d’obtenir ces progrès, d’assurer le bienfait des communications rapides aux contrées qui en sont encore privées, de hâter la diminution du prix des transports, ce sera pour le mieux ; c’est la seule chose qu’ait à désirer le pays, et l’état est certes suffisamment armé pour rester le gardien efficace de l’intérêt général ; mais vraiment, où est la nécessité, sous prétexte de réforme, de commencer par tout bouleverser, par briser des associations qui ont été l’énergique et heureux instrument de la création des chemins de fer en France, pour substituer à un régime accrédité par ses succès, — quoi donc ? un grand inconnu, une expérience pleine de hasards. Où est le motif sérieusement plausible de soulever cette question du rachat immédiatement suivie d’une autre question qui n’est pas moins épineuse, celle du choix du système d’exploitation ? Si l’état, après avoir racheté plus de 20,000 kilomètres de chemins de fer, en confie l’exploitation à des compagnies fermières, la situation ne sera guère changée, à moins que, par un phénomène qui n’a rien d’impossible, le régime nouveau ne réunisse tout à la fois les inconvéniens qu’on reproche aux anciennes compagnies et les inconvéniens de la prépotence officielle. Si l’état reste seul chargé de diriger, d’administrer, d’exploiter les chemins de fer, c’est alors que la question se complique, se hérisse d’impossibilités et de dangers ; c’est alors surtout qu’éclate sous mille formes, dans les détails infinis d’une administration directe, la redoutable portée de cette révolution préparée, méditée par l’esprit de système. Rien n’est plus facile sans doute que de représenter un tel changement comme une simplification, de promettre toute sorte de bienfaits, de déclarer avec assurance que tout le monde y gagnera, le commerce, le public, les actionnaires et même le trésor. En réalité, quels sont les avantages de la réforme qu’on propose ?

Est-ce qu’il y aura plus d’économie dans les travaux, plus de promptitude dans l’achèvement des lignes complémentaires de notre réseau ? Personne n’ignore que, si l’état a des ingénieurs habiles dont on ne conteste pas les talens, il est aussi le plus coûteux et le plus lent des constructeurs. Ce que l’industrie privée fait vite parce qu’elle y est intéressée, l’état met souvent des années à le préparer, il dépense, sans compter, l’argent et encore plus le temps. Est-ce l’exploitation qui sera moins onéreuse ? Sans parler de l’expérience qui se poursuit en France et qui n’a certes rien d’encourageant, c’est un fait bien connu que dans les pays où la gestion officielle existe, en Belgique, en Suède, en Allemagne, les frais de l’exploitation par l’état dépassent sensiblement les frais de l’exploitation par les compagnies particulières. Et cette diffé-