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tout simplifier, on a tout compliqué, et pour avoir fermé en apparence quelques maisons des jésuites, on n’est pas beaucoup plus avancé aujourd’hui qu’on ne l’était il y a quelques mois.

Entre l’exécution des décrets sur les congrégations et les épurations toujours renouvelées de la magistrature, on parle souvent de réformes, de réformes de l’ordre pratique, on en parle comme si on en avait les mains pleines, et si l’on s’adonnait sincèrement, sérieusement à cette œuvre, il y aurait de quoi satisfaire le pays et même racheter bien des fautes, de quoi reposer ou détourner les esprits des vaines, des stériles querelles de partis. Malheureusement le mot retentissant de réformes n’est assez communément qu’une banalité de programme électoral, ou il s’applique à des combinaisons qui ne sont que des tentatives chimériques, des expériences hasardeuses et peut-être ruineuses.

S’il est une question soulevée légèrement par une sorte de parti-pris de toucher à tout, c’est, à coup sûr, cette question du rachat des chemins de fer qui ne cesse de s’agiter, sur laquelle quelques conseils-généraux, à la suite des plus importantes chambres de commerce, viennent d’émettre des vœux qui sembleraient de nature à décourager les témérités aventureuses. Depuis quelques années déjà, la campagne est ouverte et tourne autour de cette idée. La constitution d’un réseau d’état était un essai, et cet essai partiel, circonscrit dans une région déterminée, accompli peut-être dans des conditions peu favorables, n’a visiblement pas réussi. Pour donner plus de chances à son entreprise, sans trop s’engager néanmoins sur le principe, le gouvernement a voulu ajouter à son réseau quelques autres parties du réseau d’Orléans ; mais cela n’a pas suffi aux esprits systématiques de la commission parlementaire des chemins de fer, et au rachat partiel, proposé par le gouvernement, on a substitué la proposition du rachat complet et définitif de tout ce qui appartient à la compagnie d’Orléans ; un rapport a même été déposé à la chambre des députés avant la fin de la session. Or, cela est bien clair, l’absorption du réseau d’Orléans serait un non-sens si elle n’était le prélude du rachat universel, de la prise de possession de tous les chemins de fer français par l’état. C’est là qu’on marche tantôt d’une manière détournée ou intermittente, tantôt avec la hardiesse et le ton tranchant d’un des premiers rapporteurs de la commission des chemins de fer, M. le sous-secrétaire d’état Wilson. C’est la grande réforme qu’on poursuit, par laquelle on se flatte sans doute d’illustrer ou de populariser la république. Il s’agit justement de savoir si c’est réellement une réforme profitable à un point de vue quelconque, quelles seraient les conséquences de cette prétendue réforme, où l’on irait avec une mesure qui serait une vraie révolution, qui touche à l’ordre économique tout entier, aux relations de commerce, aux ressorts du crédit, aux finances, aux plus profonds intérêts sociaux et politiques.