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communautés non autorisées, est arrivée il n’y a que quelques jours, le 31 août. L’exécution a continué comme elle a commencé : elle n’a certes rien de brillant, rien qui ressemblé a une éclatante victoire, et ce qu’il. y avait de dangereux, ou de médiocre, ou de vain dans cette campagne, on le voit déjà aux incidens qui se succèdent, à la confusion qui se met dans toute cette affaire.

Que s’est-il passé en effet ? C’était presque prévu, et ce n’est pas moins assez bizarre. Au jour de l’échéance, on n’a pas manqué d’arriver, décret en main, à la porte des maisons d’éducation dirigées par les jésuites, et on n’a plus trouvé ce qu’on cherchait ; les jésuites avaient disparu ! Il ne restait plus que des sociétés civiles légalement constituées, armées de leur droit de propriété, prêtes à reprendre l’administration et la direction des établissemens qu’on croyait fermer. Qu’on nous passe le terme, on a enfoncé une porte ouverte, on a frappé un coup dans le vide, on a mis préfets et commissaires de police en mouvement pour dresser un procès verbal de carence contre tout jésuite. Bref, on n’est arrivé à rien de sérieux, même pour les jésuites, qui ne se sont évidemment éclipsés que pour être remplacés par des continuateurs de leur œuvre. Ce n’est pas tout : au moment où l’on se demandait, non sans une certaine curiosité, ce que le gouvernement allait faire à l’égard des autres communautés menacées par les décrets, une déclaration a paru tout à coup, ne demandant nullement une autorisation, mais plaçant les ordres religieux dans une situation nouvelle, suffisamment correcte, attestant « leur respect et leur soumission à l’égard des institutions actuelles du pays. » D’où sortait cette déclaration ? était-elle le résultat d’une négociation avec le Vatican, de pourparlers discrets, ou d’une résolution spontanée des congrégations ? y avait-il quelque connexité entre l’acte des ordres religieux et le langage récemment tenu par M. le président du conseil ? Le mystère n’est pas éclairci. Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’à peine la déclaration a-t-elle été mise au jour, on s’est hâté de répéter sous toutes les formes que le gouvernement n’y était pour rien, qu’il n’avait ouvert aucune négociation, qu’il n’était pas engagé, qu’il n’avait abandonné aucun de ses droits. Eh ! non sans doute, personne n’est engagé, pas plus les congrégations que le gouvernement, qui garde sa liberté d’action, qui reste avec ses décrets et avec son droit ou son prétendu droit. Il n’est pas moins vrai que la situation est changée, que le gouvernement hésitera avant de proscrire administrativement des ordres religieux attestant leur respect pour les institutions du pays et qu’on attendra vraisemblablement, si on le peut, la loi future sur les associations. Voila où l’on est arrivé ! Et c’est pour ce résultat qu’on n’a pas craint de soulever les questions les plus irritantes, qu’on s’est exposé à susciter une agitation toujours dangereuse, à mettre en mouvement des passions qui rendront peut-être aujourd’hui la modération plus difficile ! On a cru