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Ce fut arrangé ; l’on partit.

Le cottage où logeait Clorinde était petit ;
Mais un charmant jardin, plein de roses trémières,
Que le soleil de juin criblait de ses lumières,
S’étendait, enchanteur, devant la vérandah.

On mit là le fauteuil d’Adèle, on l’accouda
Dans les coussins, devant cette fraîche nature.
Elle n’avait jamais vu de fleurs qu’en peinture,
De clartés que le gaz reflété par du zinc,
Et s’écria d’abord :

— Tiens ! Le décor du « cinq ! »

Mais l’enfant tressaillit bientôt, toute surprise.
Un enivrant parfum passait avec la brise,
Et le soleil chauffait ses pieds sous son jupon.
Elle ferma les yeux et dit :

— Ah ! que c’est bon !

Et, dans ce doux état de langueur étonnée,
Elle voulut rester là, toute la journée.
Mon Dieu ! que c’était beau, que c’était bon, cela !
Mais Clorinde, observant ses regards, se troubla
D’y voir on ne sait quoi d’inquiétant éclore.

— Rentrons, mignonne…

— Oh ! non, dit l’enfant, pas encore !

Elle rentra pourtant, quand le couchant pâlit ;
Mais elle frissonnait en se mettant au lit.
L’air pur d’un ciel d’été, la chaleur naturelle
D’un jour de juin avaient été trop forts pour elle ;
Et sans qu’une lueur de raison reparût,
La nuit, elle eut encor le délire et mourut.

Car c’était une fleur à l’ombre habituée ;
Elle a vu le soleil un jour ; il l’a tuée.


FRANÇOIS COPPEE.