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pour y célébrer un culte dégagé de toute pratique idolâtre. L’acte de donation porte que « ce local restera exclusivement consacré aux sermons, prêches, conférences, prières et hymnes qui seraient de nature à favoriser la contemplation de l’Auteur et Conservateur de l’univers, le progrès de la charité, de la moralité, de la sympathie, de la vertu, enfin le raffermissement des liens entre les hommes de tous les cultes et de toutes les croyances. »

Malheureusement, peu après, Ram-Mohun-Roy s’embarquait à destination de l’Angleterre, où il était envoyé, avec le titre de rajah, pour soutenir certaines réclamations du Grand-Mogol près du cabinet de Saint-James. Il y avait longtemps, du reste, qu’il caressait le projet de visiter l’Europe. Sa réputation l’y avait précédé. L’aristocratie anglaise lui ménageait l’accueil qu’elle sait si bien offrir, en dehors même des considérations politiques, aux supériorités sociales de tout pays et de toute race. À peine débarqué, il devint à Londres le lion de la saison, sans que cette vogue portât atteinte un seul instant à l’aisance et à la modestie naturelle de son caractère. Miss Dobson Collet, qui se souvient de l’avoir rencontré à cette époque, rapporte qu’il conquit la sympathie de tous les partis par l’affabilité de ses manières non moins que par la culture de son esprit, et M. Garcin de Tassy, qui le vit l’année suivante à Paris, retrace son portrait en ces termes : « Son physique répondait à ses belles qualités morales ; il avait une physionomie noble et expressive ; son teint était extrêmement brun, presque noir ; mais son nez régulier, ses yeux brillans et animés, son front large, la beauté de ses traits, rendaient son visage remarquable. Il était bien proportionné ; sa taille était de six pieds. Son costume était habituellement bleu. Il portait un châle blanc, roulé sur ses épaules, qui descendait par devant jusqu’à la ceinture. Il ceignait sa tête d’un turban à la manière des musulmans de l’Inde. »

Sa mission terminée, il se préparait à regagner l’Inde pour mettre au service de la réforme qu’il poursuivait le fruit de ses expériences en Angleterre, lorsqu’épuisé par ses travaux et peut-être miné par le climat, il tomba malade et mourut à Bristol, le 27 septembre 1833. Ses restes reposent dans le cimetière de cette ville, sous un monument de style oriental élevé par son disciple et ami Dwarka Nath-Tagore, qui vint lui-même mourir en Angleterre quelques années plus tard.


II.

Privée de son chef, la petite église du Brahma Somaj languit une douzaine d’années et paraissait même prête à s’éteindre, lorsqu’elle mit à sa tête le jeune Debendra-Nath-Tagore. Celui-ci, né