concitoyens y possèdent déjà en propriétés urbaines et rurales plus d’un million d’hectares, dont la valeur dépassera bientôt ces 2 milliards, si ce n’est déjà fait. La présence d’un gouverneur civil en Algérie accroîtra ces résultats magnifiques ; elle peut surtout prévenir à jamais les insurrections qui périodiquement désolaient autrefois l’Afrique française. Sans doute beaucoup d’Arabes n’ont pas renoncé tout à fait à l’envie de faire parler la poudre. Mais cette envie leur passera, si l’on fait entendre en Algérie de hautes paroles de paix, si l’instruction est libéralement donnée à la jeunesse indigène, et nous savons qu’on ne la leur ménage pas.
C’est d’hier seulement, par l’arrivée à Saïgon d’un gouverneur civil, que la Cochinchine française se trouve en voie de devenir une possession importante. Jusqu’ici, gouvernée arbitrairement par des amiraux, elle a tenu éloignée d’elle les émigrans européens, soit parce que ces derniers ne voulaient pas vivre sous un régime militaire, soit parce que des étrangers, — les Chinois principalement, — y étaient mieux accueillis en réalité que nos compatriotes. « En Cochinchine, dit M. Léon Beugnot[1], l’administration regarde les colons français comme ses plus redoutables adversaires ; elle leur fait une guerre ruineuse et constante. On protège à outrance les vagabonds chinois, mais on est d’une grande sévérité pour les Français planteurs et commerçans. On donnera les travaux et les fournitures de préférence à des étrangers, puis on rendra des arrêtés pour tromper le ministre de la marine et la France. En résumé, un gouverneur militaire n’est utile ici qu’au point de vue de la sécurité de la colonie ; son immixtion dans l’administration intérieure est presque toujours plus nuisible qu’utile. Cela tient au tempérament militaire et à l’inexpérience de l’administration civile. » Ces critiques, peut-être exagérées, n’empêchent pas que la conquête de la Cochinchine n’ait augmenté notre territoire d’une étendue de 56,244 kilomètres carrés et qu’elle ait placé sous notre pavillon une population d’un million huit cent mille individus. Ce n’est pas tout, les revenus des douanes suffisent à payer le nombreux personnel que nous avons en Cochinchine. La situation financière de cette possession est des plus prospères ; son revenu annuel s’élève déjà à 20 millions de francs environ, et l’excédent des recettes sur les dépenses dépasse 700,000 francs. Le budget de 1880 a prévu pour l’exécution de travaux neufs une somme de près de 5 millions. Si, pendant dix ans, une somme égale est consacrée aux routes, aux canaux, aux phares, la Cochinchine deviendra une des plus belles colonies d’Asie. Elle fera dire d’elle ce qu’on a dit de
- ↑ L’Administration de la Cochinchine française, par M. Léon Beugnot, secrétaire des affaires indigènes en Cochinchine ; Paris, 1879.